Eviter les impayés : l'analyse financière du client

Recouvrement des impayés
Fiche pratique

Avant d'accepter un nouveau client professionnel souhaitant un délai de paiement, une analyse financière est indispensable en amont. Nous présentons dans cette fiche pratique, les différentes étapes et les différents indicateurs pour mener une analyse financière pertinente.

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La démarche de l'analyse financière

Analyse du profil

La première erreur dans cette analyse serait de commencer par se jeter sur les comptes annuels de l'entreprise. Il est indispensable de toujours commencer par des éléments qualitatifs axés sur le profil de l'entreprise. Cette première approche permettra de contextualiser les chiffres qui seront ensuite analysés.

Cette première étape consistera à analyser :

  • l'environnement du client : son métier, ses secteurs d'activité, la concurrence à laquelle il fait face, ses clients
  • l'analyse de son activité : ses produits, son portefeuille client, son chiffre d'affaires et sa répartition par activité et/ou zone géographique, son effectif.

Analyse des comptes annuels : les 4 dimensions

Pour procéder à l'analyse financière d'un client, une entreprise doit d'abord récupérer les derniers comptes annuels déposés. Ces derniers peuvent soit être disponibles directement sur le site Internet de l'entreprise (cas des grandes entreprises cotées sur les marchés financiers), ou gratuitement sur le site de l'INPI sauf pour les entreprises qui n'ont pas à publier leurs comptes (cas des entreprises individuelles) ou qui ont opté pour la confidentialité (solution réservée aux micro-entreprises et petites entreprises). Dans ce dernier cas, la seule solution sera de demander les comptes annuels directement au client.

Une fois obtenue, l'entreprise va pouvoir procéder à l'analyse des chiffres. S'il n'existe pas de procédure standard d'analyse financière, la portée de certains indicateurs et ratios fait consensus.

Quelle que soit la démarche adoptée, l'analyse doit porter sur les 4 éléments suivants :

Dimension d'analyse

Contenu

Outils

Activité

Analyse du chiffre d'affaires : sa répartition, son dimensionnement par rapport à l'effectif et au résultat, sa pérennité

Compte de résultat et annexes

Rentabilité

Analyse de la rentabilité d'exploitation de l'entreprise, et de son évolution dans le temps et par rapport aux moyennes du secteur

Compte de résultat

Soldes intermédiaires de gestion (SIG ou P&L en normes internationales)

Structure financière

Analyse de la structure du patrimoine de l'entreprise, de son niveau d'investissement, d'endettement, de son besoin en fonds de roulement (BFR)

Bilan

Fonds de roulement et BFR

Trésorerie/Liquidité

Analyse du niveau de trésorerie de l'entreprise, et du risque d'insolvabilité

Capacité d'autofinancement

Ratios de liquidité

Montants en euros, taux de variation et ratios

Pour mener l'analyse, il sera nécessaire de retenir certains chiffres essentiels en valeur absolue, mais également en valeur relative, en pourcentage du chiffre d'affaires par exemple, ce qui simplifie les comparaisons sectorielles.

Pour opérer une comparaison dans le temps, il est d'usage également de calculer des taux de variation entre l'année N et l'année N-1, en utilisant la formule suivante :

Taux de variation =                   (chiffre année N – chiffre année N-1) x 100

 chiffre année N-1

Ce taux de variation peut utilement être calculé pour une multitude d'indicateurs ; le chiffre d'affaires, le bénéfice, les différents soldes intermédiaires de gestion, etc.

Enfin, pour mener une analyse financière de qualité, l'utilisation de ratios est indispensable. Un ratio est une division entre deux chiffres. Leur calcul est donc aisé. Tout l'enjeu sera de retenir les ratios les plus pertinents.

Analyse de la rentabilité

Les étapes d'analyse de la rentabilité

L'analyse de la rentabilité d'un client peut être opérée selon les étapes suivantes :

  • Calcul (ou recherche) du taux de variation du bénéfice et comparaison avec le taux de variation du chiffre d'affaires
  • Calcul du taux de rentabilité commerciale (bénéfice / chiffre d'affaires HT) et comparaison dans le temps et avec les moyennes du secteur si elles sont disponibles
  • Analyse plus détaillée à travers les soldes intermédiaires de gestion (SIG) ou profit and loss (P&L) en norme anglo-saxonne et de la CAF (capacité d'autofinancement).

Les soldes intermédiaires de gestion (SIG)

Les soldes intermédiaires de gestion sont des indicateurs permettant d'analyser la rentabilité de l'entreprise en ne retenant pour chacun qu'une partie des charges. L'objectif est d'isoler les charges dont la maîtrise semble poser problème.

Soldes intermédiaires de gestion

Calcul

Interprétation

Cohérence avec les P&L

Marge commerciale

Ventes de marchandises - Coût d'achat des marchandises vendues

Marge dégagée sur les opérations d'achat/vente de marchandises.

Indicateur essentiel pour les activités de négoce

Production de l'exercice

Production de l'exercice = Ventes de produits finis et de prestations + Production stockée + Production immobilisée

Niveau de production de l'exercice en valeur

Indicateur utile pour les entreprises industrielles

Indicateur de taille et non de rentabilité

Valeur ajoutée

Marge commerciale + Production de l'exercice - Consommations de l'exercice en provenance de tiers

Gain restant après déduction des achats aux fournisseurs et prestataires

Richesse créée par les entreprises

Gross Margin

Excédent brut d'exploitation (EBE)

Valeur ajoutée + Subvention - Charges de personnel - Impôts et taxes

Trésorerie potentielle dégagée par les opérations d'exploitation

EBITDA

Résultat d'exploitation

EBE + Autres produits + Reprises d'exploitation - Autres charges - Dotations d'exploitation

Rentabilité dégagée par les opérations d'exploitation

EBIT ou operating profit

Résultat courant avant impôt (RCAI)

RCAI = Résultat d'exploitation + Produits financiers - Charges financières

Résultat hors éléments exceptionnels et hors impôt sur les bénéfices

EBT (earnings berfore tax)

Résultat net

RCAI + Produits exceptionnels - Charges exceptionnelles - Impôt sur les bénéfices - Participation des salariés

Résultat tel qu'il apparaît au bilan (total des produits - total des charges)

Bénéfice qui revient aux associés

Earnings after tax


La correspondance avec les P&L n'est pas totale. Il existe avec les SIG quelques subtiles différences. Dans les P&L, l'EBITDA (Earnings before interests, tax, deprezation, and amortization) et l'EBIT sont particulièrement mis en avant.

Tous les SIG sont généralement exprimés en pourcentage du chiffre d'affaires et en taux de variation par rapport à l'année précédente. L'analyse permet notamment de mettre en évidence des achats de consommables, des frais généraux ou des charges de personnel mal maîtrisés.

La CAF

En finance française, on calcule également souvent la CAF (capacité d'autofinancement) qui représente la trésorerie potentielle dégagée par l'entreprise grâce à son activité (l'EBE ne représente que la trésorerie potentielle d'exploitation). La CAF est en quelque sorte la version "trésorerie" du résultat de l'exercice. Pour juger de la solvabilité d'une entreprise, cet indicateur est donc particulièrement suivi.

La CAF peut être calculée selon la formule simplifiée suivante :

CAF simplifiée = Résultat de l'exercice + Dotations - Reprises

La structure financière

Au-delà de la notion de rentabilité, le bilan du client offre une vision plus globale de sa situation financière. S'agissant de l'analyse d'un futur client, 3 éléments devront particulièrement être étudiés : les capitaux propres, l'endettement financier et le besoin en fonds de roulement.

Les capitaux propres

Les capitaux propres comprennent principalement le capital (apports des associés), le résultat de l'exercice et les réserves (bénéfices passés non distribués). Il s'agit de fonds directement ou indirectement investis par les associés dans la société. Ces capitaux propres doivent être suffisamment élevés pour assurer la solidité financière de l'entreprise et son indépendance.

En cas de pertes cumulées importantes, et de capital faible, les capitaux propres peuvent devenir négatifs. La sous-capitalisation d'une société et/ou des capitaux propres proches de zéro ou négatifs expliquent dans bien des cas la défaillance d'un client.

En outre, le code du commerce impose aux sociétés commerciales à responsabilité limitée (SA, SAS, SARL, SCA) dont les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social, la tenu d'une AGE (assemblée générale extra-ordinaire) statuant sur la poursuite ou non de l'activité de l'entreprise. En cas de vote en faveur de la poursuite de l'activité, la société devra retrouver des fonds propres supérieurs à la moitie du capital au plus tard à la clôture du 2nd exercice suivant l'AGE.

L'endettement financier

Dans la lecture du bilan, il est utile d'analyser le poids de l'endettement dans le financement de l'entreprise. Un endettement trop important peut déboucher sur une future défaillance.

On surveille généralement à ce titre les 3 ratios suivants :

Ratios

Signification

Endettement financier /capacité d'autofinancement (CAF)

Rappel sur la CAF : elle représente la trésorerie potentielle générée au cours de l'exercice par son activité.

Pour un endettement supportable, ce ratio ne doit pas excéder 4, ce qui signifie que le montant de l'endettement d'une entreprise ne doit pas excéder 4 années de trésorerie potentielle.

En finance internationale, on utilise le ratio assez proche suivant : Endettement financier / EBITDA qui doit également ne pas excéder 4.

Frais financiers / EBE

Ce ratio exprime la part de la trésorerie potentielle dégagée par les opérations d’exploitation (EBE) consacrée au paiement des frais financiers c'est-à-dire les intérêts d’emprunt et les agios.

On admet généralement qu'un endettement financier est trop important lorsque ce ratio excède 30 %. Au-delà, la solvabilité de l'entreprise cliente pourrait être compromise.

Dettes financières / Capitaux propres

Ce ratio appelé "gearing ratio" permet de juger de l'indépendance financière d'une entreprise. Un ratio supérieur à 1 signifie que l'entreprise a un niveau d'endettement supérieur à ses capitaux propres. Tout nouvel emprunt demandé pourrait dès lors être refusé par les établissements de crédit ou à des conditions financières moins favorables.

Le BFR (besoin en fonds de roulement)

Le besoin en fonds de roulement (BFR) représente le financement nécessaire issu du cycle d'exploitation. Il matérialise le phénomène selon lequel la plupart des entreprises doivent pour répondre à une commande d'abord sortir de la trésorerie (achat de matières premières) avant de constater l'encaissement du prix de vente relatif à cette commande. Ce décalage dans le temps entre les sorties et entrées d'argent constitue une trésorerie dont se l'entreprise est privée.

Plus le BFR est élevé, plus ce décalage est important et plus le niveau de la trésorerie de l'entreprise est bas. L'objectif est donc pour une entreprise de maîtriser ou même de réduire ce BFR.

BFR = Créances + Stocks - Dettes non financières

Pour une analyse plus directe, il est souvent exprimé en nombre de jours de chiffre d'affaires (BFR en jours = (BFR en € / Chiffre d'affaires HT) x 365 jours.

Lorsque ce ratio est élevé (plus de 50 jours) et en pleine augmentation, par rapport aux années précédentes, le risque pour la trésorerie devient important. Un tel constat peut expliquer une croissance mal maîtrisée (hausse du chiffre d'affaires et des commandes d'où une hausse des investissements, de l'endettement, mais également du BFR et au final, une chute de la trésorerie qui peut aboutir à un état de cessation des paiements).

Il est également possible de suivre sous forme de ratios les différentes composantes du BFR :

  • délai moyen client (ou DSO) = (Créances clients / CA TTC) x 365 jours
  • délai moyen fournisseur (ou DPO) = (Dettes fournisseurs /Achats TTC) x 365 jours
  • délai de rotation des stocks (ou DIOH) dont la formule dépend du type de stocks.

En analyse traditionnelle française, on compare ce BFR avec le fonds de roulement ou FDR (FDR = capitaux permanents - Actif immobilisé). Lorsque le FDR excède le BFR, l'entreprise se retrouve avec une trésorerie positive (FDR - BFR = trésorerie nette).

La trésorerie et la liquidité

L'ultime dimension à analyser relative aux comptes annuels d'un futur client est sa trésorerie. Ce point synthétise évidemment les analyses précédentes (chiffre d'affaires, rentabilité, structure financière).

La trésorerie du bilan

L'analyse la plus simple consiste à repérer le niveau de la trésorerie dans l'actif du bilan (bas du bilan, poste "Disponibilités"). Mais il ne s'agit que d'un indicateur "statique" à une date donnée, celle de la clôture du dernier exercice comptable, la plupart du temps. Pour afficher une trésorerie importante et rassurer les investisseurs et autres partenaires, beaucoup d'entreprises ont pour pratique de "retarder" le paiement de leurs échéances du dernier mois de l'exercice comptable au mois suivant.

Pour affiner l'analyse, on calcule souvent 2 indicateurs, issus du tableau de flux de trésorerie : le cash flow from operations et le free cash flow.

Cash-flow from operations

Le cash-flow from operations représente les flux de trésorerie opérationnels dégagés au cours de l'exercice comptable. À la différence de la CAF, il s'agit de la trésorerie réelle, donc en tenant compte des délais de paiement des clients et fournisseurs, ce qui revient à la notion de BFR. Cet indicateur fait en réalité la synthèse entre la rentabilité de l'entreprise (bénéfice net) et la gestion des délais de paiements (BFR) qui donne naissance aux flux de trésorerie (on dit également "cash flow").

Cash-flow from operations =  CAF - Variation du BFR

La variation du BFR est obtenue par soustraction entre le BFR de l'année N et celui de N-1.

Le free cash-flow

Le free cash-flow (en français : flux de trésorerie disponible) représente le montant de la trésorerie dégagé par l'entreprise après déduction des acquisitions d'immobilisations et addition des cessions d'immobilisations.

Contrairement à l'indicateur précédent, il prend en compte la politique d'investissement et de désinvestissement de l'entreprise.

Free cash-flow = EBE - Impôt sur le résultat d'exploitation- Variation du BFR 

+ Cessions d'immobilisations - Investissements

Le free cash-flow dégagé par une entreprise doit être suffisant pour rembourser les emprunts et verser les dividendes.

Si au cours d'un exercice, on constate que le free cash flow est inférieur aux dividendes et remboursements d'emprunt, cela signifie que l'entreprise subit plus de sorties de trésorerie que d'entrées de trésorerie (hors nouvel emprunt ou augmentation de capital). Une telle situation qui se prolongerait dans le temps pourrait aboutir à une situation d'insolvabilité.

Les outils d'aide à l'analyse

Mener une analyse financière complète pour vérifier la solvabilité d'un client prend du temps. Pour accélérer cette analyse, il est conseillé de se procurer un tableur (de type excel) permettant à partir des comptes annuels d'une entreprise de faire apparaître automatiquement les indicateurs et ratios classiques (SIG, BFR, gearing ratio, etc.).

Le site pme-gestion.fr propose ce type de fichier sur le lien suivant : http://www.pme-gestion.fr/outils-gestion/calcul-analyse-interpretation-ratios-financiers-excel.html

D'autres outils vont également jusqu'à donner une note à une entreprise selon un barème censé représenter le degré de solvabilité de l'entreprise. Plus le "score" est élevé et plus la probabilité de défaillance de l'entreprise est faible. Il existe plusieurs modèles "score". Les plus connus sont le score BDFI (1998) et la fonction AFDCC2 (1999). La plupart des sociétés d'assurance-crédit ont créé des modèles équivalents donnant des scores ou notes qu'ils transmettent à leurs clients.

Un score élevé ne constitue cependant pas une assurance tout risque contre l'insolvabilité. Elle ne peut se substituer à une analyse en parallèle selon les étapes évoquées ci-dessus.  

En conclusion

En fonction de l'analyse financière faite, le crédit manager, ou de manière générale, la personne responsable en la matière (responsable comptable, responsable comptabilité client, DAF ?) va devoir statuer sur l'acceptation ou non d'un client avec un accord de délai de paiement. Cette décision parfois difficile doit être cohérente avec la stratégie de l'entreprise. Pour une stratégie de croissance avec recherche de nombreux clients différents, l'analyse financière sera plus souple et moins détaillée, et l'acceptation du client se fera selon un "score" jugé suffisant. Pour une entreprise souhaitant se concentrer sur des gros volumes d'affaires avec quelques clients, l'analyse financière sera beaucoup plus approfondie avec une exigence de "score" ou de niveau de rentabilité, d'endettement et de cash-flow élevé.

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