Eviter les impayés : la gestion des chèques

Recouvrement des impayés
Fiche pratique

Même s'ils sont de moins en moins utilisés, le paiement par chèque reste encore très présent dans le monde des affaires. Il présente l'inconvénient de pouvoir être rejeté pour différentes raisons. Une procédure de recouvrement spécifique existe dans ce cas. De même, plusieurs solutions existent pour éviter cette situation.

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Chèques : les règles à connaître

Définition

Le chèque est un moyen de paiement  par lequel le titulaire d’un compte (tireur) donne l’ordre à son banquier (tiré) de payer au bénéficiaire du chèque la somme inscrite sur celui-ci.

Les chèques comportent de nombreuses mentions obligatoires tels le libellé du montant en chiffres et en lettres, la signature du tireur, la date et le lieu.

Délai de prescription des chèques

Le chèque n'est en aucun cas un instrument de crédit. La loi interdit d’antidater ou de postdater un chèque,

Un chèque qui serait postdaté peut en conséquence être encaissé immédiatement. La demande d'un client visant à n'encaisser le chèque qu'à la fin du mois ou même plus tard en le mentionnant au dos ne relève que de la bonne volonté du créancier. Celui-ci peut l'encaisser dès le jour même.

À l'inverse, le créancier ne peut encaisser dès années plus tard un chèque remis par un client.

La validité d’un chèque est de 1 an et 8 jours. Le projet de loi Sapin 2 prévoyait de réduire ce délai à 6 mois et 8 jours, mais le texte final adopté a exclu cette disposition. Au bout de ce délai, le créancier ne peut plus encaisser ce chèque. Néanmoins, la créance correspondante n'est pas éteinte. Nous rappelons que les délais de prescription des créances sont fixés par l'article 2224 du code civil. Ils ont été modifiés par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 :

  • Prescription de droit commun entre commerçants : 5 ans (contre 10 ans au préalable)
  • Créances envers les particuliers : 2 ans
  • Créances nées d'un contrat de transport : 1 an à compter de la livraison des marchandises.

Les conséquences de l'absence de provision

Dès la remise ou l’envoi du chèque au bénéficiaire, celui-ci peut le remettre à l’encaissement. La provision sur le compte du débiteur doit toujours être disponible lors de l’émission du chèque et maintenue jusqu’à sa présentation. Si lors de cette présentation, la provision sur le compte est insuffisante, dans le cas général, le chèque sera rejeté.

La loi prévoit néanmoins une exception pour les chèques de faible montant. Les chèques de 15 € au plus sont obligatoirement payés par la banque (même en l'absence de provision suffisante), s'ils sont présentés à l'encaissement dans le mois suivant leur émission. Évidemment, il est interdit, sous peine d'amende, de fractionner une dette supérieure à 15 € en plusieurs chèques n'excédant pas cette somme.

En dehors de ce cas, les chèques rejetés pour absence de provision suffisante donnent lieu en principe à la remise par la banque au créancier d'une attestation de rejet de chèque.

Ce rejet s’accompagne inévitablement de frais bancaires pour le débiteur, prélevés par son établissement de crédit. Depuis mai 2008, ces frais bancaires sont plafonnés :

  • à 30 euros pour les chèques d'un montant inférieur ou égal à 50 €
  • à 50 euros pour les chèques d'un montant supérieur à 50 €.

Pour obtenir les fonds correspondant au chèque impayé, il existe une procédure développée dans la dernière partie.

Les différents motifs de rejet

Les 5 cas de rejet de chèques

Le chèque sans provision n'est pas le seul cas entraînant le rejet du chèque. Il existe au total, 5 motifs de rejet :

  1. Le défaut ou insuffisance de provision : somme restante sur le compte de la personne qui a émis le chèque insuffisante pour couvrir la somme inscrite sur le chèque.
  2. L'opposition : le chèque peut faire l'objet d'une opposition par l'émetteur pour perte, vol, utilisation frauduleuse, redressement ou liquidation judiciaire du porteur.
  3. L'irrégularité : cas du faux chèque, d'un chèque émis avec une mention obligatoire manquante ou non conforme (signature non conforme, falsification ou surcharge), ou en cas d'oubli de signature du dos du chèque par le bénéficiaire.
  4. La prescription : rejet du chèque en cas de dépôt au-delà du délai de validité d'un an et 8 jours, à compter de la date d'émission du chèque.
  5. L'indisponibilité du compte : regroupe les situations où le compte de l'émetteur a été clôturé, ou fait l'objet d'une saisie attribution, d'un avis à tiers détenteur ou d'une dénonciation de convention de compte collectif ou encore lorsque le titulaire du compte est décédé.

Seule la remise d'un chèque sans provision n'entraîne aucuns frais bancaires pour le créancier (des frais sont cependant supportés par le débiteur). Dans les 4 autres cas, des frais peuvent être facturés par la banque du créancier.

Le défaut de provision

Le défaut de provision : information de l’émetteur

Lorsque la banque du débiteur est informée de l'émission d'un chèque sur un compte d'un de ses clients où la provision est insuffisante, elle commence par l'informer des conséquences du défaut de provision et l'invite à approvisionner le compte au plus vite.

Cette information préalable du débiteur par sa banque est obligatoire. La loi ne fixe aucun délai de prévenance avant le rejet du chèque. Dans les faits, il est souvent de 24 ou 48 heures, mais toujours inférieur à 7 jours.

Si à l'issue du délai imparti, la provision est toujours insuffisante, la banque de l'émetteur lui adresse une lettre d’injonction de ne plus émettre de chèque. Le débiteur devient alors interdit bancaire.

L’interdiction bancaire

Une personne "interdit bancaire" ne peut plus émettre des chèques et il lui est demandé de restituer ses carnets de chèques. L’interdiction s’applique à tous les comptes, même d’une autre banque.

En l'absence de régularisation du chèque impayé, l'interdiction bancaire est enregistrée pendant 5 ans au Fichier Central des Chèques (FCC) tenu par la Banque de France qui centralise les incidents.

Ce fichier peut être consulté par tous les établissements de crédit. Le non-respect de l’interdiction bancaire par le débiteur est condamné pénalement.

La violation de cette interdiction est punie de 5 ans d'emprisonnement et de 375.000 € d'amende. Le bénéficiaire du chèque pourra porter plainte et se constituer partie civile pendant le procès au pénal afin d'obtenir des dommages et intérêts. Il peut également saisir la juridiction civile.

Un interdit bancaire peut régulariser sa situation à tout moment par les moyens suivants :

  • En réglant directement le bénéficiaire par un autre moyen (en espèces par exemple) : le débiteur doit dans ce cas récupérer le chèque auprès de son créancier et le restituer à titre de preuve à sa banque
  • En constituant la provision nécessaire sur le compte puis en demandant au bénéficiaire de représenter le chèque.
  • En cas d'impossibilité de contacter le bénéficiaire, le débiteur peut également approvisionner le compte du montant du chèque et demander à sa banque de bloquer cette somme et de la réserver au paiement du chèque lorsqu’il se présentera.

Les fichiers d’incidents bancaires

La Banque de France tient à jour 3 fichiers :

  1. le Fichier Central des Chèques (FCC) : il recense des incidents liés aux moyens de paiements (défichage par la banque dans les 10 jours ouvrés en cas de régularisation et de preuve)
  2. le Fichier national d’Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers (FICP) : il concerne les crédits et le surendettement 
  3. le Fichier national des chèques irréguliers (FNCI) : il centralise les coordonnées bancaires des comptes bancaires ouverts au nom de personnes faisant l’objet d’une interdiction d’émettre des chèques, des comptes clos, et des oppositions pour perte ou vol de chèques.

L'opposition à un chèque

Faire opposition à un chèque consiste à demander à sa banque de ne pas payer un chèque lorsque celui-ci sera présenté à l'encaissement (article L131-35, L131-84 et L163-2 du code monétaire et financier).

La loi n'autorise l'opposition à un chèque que dans les 4 cas suivants :

  • la perte du chèque
  • le vol du chèque
  • l'utilisation frauduleuse du chèque (imitation de signature, modification du montant ou du bénéficiaire, etc.)
  • le porteur du chèque se trouve dans une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire (l'opposition permet d'éviter que le porteur retire cet argent à son profit et fasse échapper ces sommes à la procédure collective).

En revanche, la loi interdit l'opposition à un chèque en raison d'un litige commercial.

L'opposition est enregistrée dans le FNCI (fichier national des chèques irréguliers), et est consultable par les établissements de crédit et par les commerçants (par l'intermédiaire de services tels Vérifiance FNCI ou Transax).

Lorsqu'un créancier se voit rejeter un chèque avec le motif "chèque en opposition", 2 situations sont à distinguer :

  • Si l'émetteur est de bonne foi et a fait opposition selon un des 4 motifs légaux, il suffira pour le bénéficiaire de le contacter pour qu'il réalise un nouveau chèque (ou tout autre moyen de paiement).
  • Si le chèque est volé ou a fait l'objet d'une opposition abusive par l'émetteur, le banquier doit informer ce dernier par écrit des sanctions encourues en cas d'opposition infondée. Le bénéficiaire peut dans ce cas porter plainte pour escroquerie. Dans bien des cas, un simple appel des forces de police à l'émetteur suffit.

Rejet de chèques pour compte clôturé

Un compte peut être clôturé du fait de la banque pour différents motifs (non-rentabilité du compte, incidents fréquents, changement de politique commerciale). L'établissement de crédit doit dans ce cas respecter un délai de préavis de 30 à 45 jours (60 jours pour un professionnel). Le compte peut également être clôturé du fait du client.

Le décès du titulaire d'un compte entraîne sa clôture automatique sauf s'il est ouvert en compte collectif.

En cas de rejet de chèque pour le motif "compte clôturé", les conséquences sont identiques au motif "sans provision". En l'absence de régularisation, l'émetteur du chèque devient interdit bancaire.

Comment éviter les chèques impayés

1ère solution : refuser les chèques

Un commerçant ou un prestataire de services peut librement accepter ou refuser le paiement par chèque. Le refus nécessite obligatoirement une information préalable et apparente des clients par voie d'affichage (article L 113-3 du code de la consommation).

En revanche, les adhérents d'un organisme de gestion agréé (CGA - centre de gestion agréé ou AGA - association de gestion agréée) ont l'obligation légale d'accepter les paiements par chèque et par carte bancaire.

Le commerçant ou prestataire acceptant les chèques peut en outre imposer un montant minimum d'achat et la présentation d'une pièce d'identité.

2ème solution : adopter une solution de sécurisation de paiement des chèques

Plusieurs sociétés, telles Transax ou Vérifiance - FNCI, proposent la mise à disposition d'un lecteur de chèques interrogeant en un temps très court la Banque de France. Le créancier est instantanément informé lorsque le chèque émis provient d'un compte clos ou d'un compte d'une personne "interdit bancaire". Les situations suivantes sont également détectées : chèque ayant fait l'objet d'une opposition et faux chèque. L'accès à ce service nécessite un abonnement et des codes d'accès.

Même si ce système n'est pas 100% réactif compte tenu du temps d'attente entre un évènement constaté (interdiction bancaire) et la communication de l'information à la Banque de France, il demeure très utile pour les ventes contre remise instantanée d'un chèque.

La plupart des enseignes de la grande distribution font appel à ce type de service.

Chèque impayé : la procédure

Les grandes étapes de la procédure

Contrairement à un impayé classique (client ne transmettant le virement promis), le recouvrement d'un chèque impayé ne nécessite pas d'action devant la justice. La réalisation d'un chèque constitue déjà un acte de paiement du client...qui n'a pas abouti.

La procédure de recouvrement pour chèque impayé se fait en 3 grandes étapes :

  • la remise par la banque du débiteur d'une ARC (attestation de rejet de chèque) au bénéficiaire du chèque
  • en l'absence de résolution amiable avec le débiteur (pas de provision suffisante ou de paiement par espèces sous 30 jours), un CNP (certificat de non-paiement) est remis sous 30 jours ou en cas de nouvelle présentation infructueuse au bénéficiaire du chèque
  • remise du CNP à un huissier qui va envoyer un commandement de payer au débiteur et en l'absence de réponse de ce dernier, procéder à sa saisie afin de désintéresser le bénéficiaire.

Les frais de notifications par l'huissier au débiteur sont à avancer par le créancier (environ 50 €) et à rembourser par le débiteur. En cas de saisie, les honoraires de recouvrement restent à la charge du débiteur (environ 120 €). L'huissier saisit dans ce cas la somme correspondant aux chèques et le montant équivalent à ses frais d'huissier.

Attention, cette procédure n'est pas sans risque pour le créancier, car si le débiteur est insolvable, les frais d’huissier sont à sa charge. Le créancier perd alors le montant de la créance et paiera les frais d'huissier pour zéro résultat.

Il est donc conseillé si le montant du chèque est faible d'opter davantage pour un cabinet de recouvrement qui se paiera en proportion des sommes récupérées.

La procédure détaillée

Dans le détail, la procédure à mener en cas de chèque impayé comporte les nombreuses étapes suivantes :

  1. La banque prévient son client au plus vite (par courrier, email ou autre).
  2. La banque laisse un délai de quelques jours à son client pour qu'il puisse réapprovisionner son compte (souvent de 24 à 48 heures) : en cas de régularisation, l'émetteur ne sera pas interdit bancaire et le bénéficiaire ne s'apercevra pas de l'incident.
  3. En cas d'impossibilité de réapprovisionner le compte : l'émetteur peut tenter de négocier une autorisation de découvert ou une augmentation de l'autorisation (un rendez-vous avec le conseiller est souvent nécessaire). En cas d'accord, la banque paye le chèque et à nouveau, il n'y aura pas d'interdiction bancaire et le créancier ne sera pas mis au courant de l'incident.
  4. En cas de refus d'autorisation de découvert, la banque établira une analyse du risque de payer le chèque de son client. Dans le meilleur des cas, elle prendra le risque de payer le chèque et prélèvera des intérêts de découvert non autorisés sur le compte de son client. Si la banque refuse, elle passera à l'étape n°5.
  5. La banque de l'émetteur du chèque le rejette. Elle lui adresse alors une lettre d'injonction lui interdisant d'émettre de nouveaux chèques.
  6. La banque inscrit dans le délai de 2 jours, l'incident de paiement dans le fichier FCC (fichier central des chèques). Le débiteur devient alors interdit bancaire et ne peut plus émettre de chèques.
  7. Le bénéficiaire reçoit une attestation de rejet de chèque (ARC) de la part de la banque du débiteur accompagné du chèque rejeté. Il peut s'agir d'un ARC "simple" ou d'un ARC en violation de l'article 131-73 (émission d'un chèque en violation d'une interdiction bancaire, des poursuites pénales avec constitution de partie civile sont possibles).
  8. L'émetteur du chèque dispose de 3 façons de régulariser l'incident : a) paiement du bénéficiaire par un autre moyen (espèces) et remise à la banque du chèque impayé par le débiteur, b) paiement du chèque lors d'une nouvelle présentation (reconstitution par le débiteur d'une provision suffisante), c) demande du débiteur à sa banque de procéder au blocage de la provision pour permettre le paiement du chèque. 
  9. La banque doit dans les 2 jours de la régularisation déficher l'émetteur du chèque du FCC (il ne sera dans ce cas plus interdit bancaire). En cas de régularisation non effectuée par le débiteur, le créancier peut demander le CNP (certificat de non-paiement) sous 30 jours. En cas de seconde présentation infructueuse plus de 30 jours après la première remise infructueuse : le CNP est envoyé directement au bénéficiaire par la banque de l'émetteur. Sans l'absence de seconde présentation, il est nécessaire de réclamer le CNP après un délai de 30 jours à la banque de l'émetteur. Il est donc conseillé d'attendre 30 jours pour redéposer le chèque afin d'obtenir le CNP automatiquement.
  10. A la réception du CNP par le bénéficiaire, ce dernier peut faire appel à un huissier de justice géographiquement compétent en fonction du lieu de paiement du chèque ou du lieu du domicile de l'émetteur.
  11. Notification du CNP à l'émetteur du chèque soit par LRAR (lettre recommandée avec accusé de réception) par le bénéficiaire soit par acte huissier.
  12. En l'absence de régularisation du débiteur sous 15 jours, l'huissier choisi appose la formule exécutoire sur le CNP. Il peut réaliser une saisie du débiteur (saisie attribution sur compte bancaire, saisie-arrêt sur salaire, saisie vente des biens, etc.).
  13. Si le débiteur est solvable (saisie fructueuse) : l'huissier saisit le montant de l'impayé plus ses frais d'huissier (à la charge de l'émetteur). L'huissier reverse au créancier le montant de l'impayé dans un délai de 6 semaines (3 en cas de paiement en espèces). En cas de saisie infructueuse (client irrécouvrable ou ayant disparu), les frais d'huissier sont à la charge du bénéficiaire.

Attention, si le chèque est prescrit (plus de 1 an et 8 jours), il n'est plus possible de faire appel à un huissier. Une action en justice devant le tribunal de commerce (pour un professionnel) ou devant une juridiction civile (tribunal d'instance ou de grande instance en fonction du montant) est alors nécessaire (sauf le "recouvrement petite créance" qui peut directement être porté devant un huissier) sous forme d'injonction de payer, de référé provision ou d'action en justice classique. Le bénéficiaire se retrouve alors devant une situation analogue à n'importe quel créancier impayé.

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