Les fraudes à la TVA de type "carrousel"

Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA)
Fiche pratique

De nombreuses fraudes à la TVA intracommunautaire, notamment des "carrousels de TVA" sont constatées chaque année par les Etats membres. Nous présentons dans cette fiche pratique, ce schéma illégal et les risques encourus par les fraudeurs. Les entreprises honnêtes doivent être vigilantes. Même les entreprises non bénéficiaires de la fraude mais qui ne pouvaient l'ignorer peuvent être sanctionnées.

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Présentation de la fraude

Les fraudes à la TVA de type "carrousel" se sont beaucoup développées depuis la création du marché unique et l'abandon dans l'Union européenne depuis 1993 des notions d'exportations et importations au profit des livraisons et acquisitions intra-communautaires. La fraude est rendue possible grâce au système d'autoliquidation de la TVA applicable aux opérations intracommunautaires (article 262 ter I du CGI).

Ce type de montage nécessite au moins 3 intervenants venant d'au moins 2 Etats membres différents et porte le plus souvent sur des produits à forte valeur ajoutée (portables, produits de luxe etc.).

La mise en place de ces schémas nécessite l'existence d'une société éphémère, appelée "société écran" ou "société taxi" qui n'existe que pour frauder. La difficulté à repérer ces schémas réside dans le fait que c'est la société taxi, émettrice d'une facture qui est à l'origine de la fraude, mais ce n'est pas elle qui profite du gain, c'est son client.  

Un même produit peut faire l'objet de plusieurs transactions pour augmenter les gains de manière exponentielle, d'où le terme de carrousel.

Exemple

Prenons l'exemple d'une opération commerciale concernant 3 entreprises :

  • L'entreprise A est basée au Luxembourg. Elle peut très bien être honnête et ne pas être au courant du schéma de fraude mis en place. Elle vend et livre à une entreprise française (B) des marchandises pour 100.000 € HT. Cette dernière lui transmet son numéro de TVA intracommunautaire. S'agissant d'une livraison intracommunautaire, l'opération est exonérée de TVA pour l'entreprise A.
  • L'entreprise B est basée en France. Dans le schéma de fraude, elle est la "société taxi". Elle va recevoir la marchandise livrée par A et lui régler la somme de 100.000 €. S'agissant d'une acquisition intracommunautaire elle devrait autoliquider la TVA au taux de 20% soit 20.000 €, opération qu'elle ne va pas prendre le temps de faire, la plupart du temps. Dans la foulée, elle va revendre ces marchandises à l'entreprise C, basée également en France mais pour la somme de 100.000 € TTC soit 83.333 € HT avec 16.667 € de TVA. Après livraison, la société B envoie la facture correspondante au client C, facture qui n'est entachée d'aucune irrégularité. C va normalement régler la somme de 100.000 € à la société B. Apparemment, la société B fait une perte de 16.667 € sur l'opération mais en réalité, elle ne va jamais reverser la TVA collectée à l'Etat. Ainsi, en terme de trésorerie, l'opération est neutre pour elle. B a versé 100.000 € à la société A et perçu 100.000 € de la société C. Elle peut répéter l'opération plusieurs fois, massivement, avant de disparaître pour éviter les contrôles de l'administration fiscale.
  • L'entreprise C est basée en France. C'est elle qui profite réellement de la fraude tout en donnant l'apparence de respecter la législation. Parfois, les dirigeants de la société C sont également ceux de la société taxi (B) ou par personne interposée. Elle bénéficie en effet de marchandises d'une valeur d'origine de 100.000 € HT alors qu'elle ne va les payer que pour le montant équivalent HT de 83.333 € avec une TVA de 16.667 € qu'elle va normalement inscrire en TVA déductible sur sa déclaration de TVA. Cette fraude lui permet de réduire son coût de revient de 16,67%.

Au final, le bénéfice est localisé au niveau de C, mais c’est B, la société écran qui joue le rôle décisif. Pour complexifié le schéma et rendre plus difficile le repérage de ces fraudes par l'administration, plusieurs sociétés écrans sont souvent créées avec des opérations en cascade intercalées entre B et C. Autre variante, parfois, les flux physiques peuvent être totalement fictifs, c'est-à-dire que la société B ne s'encombre même pas d'une livraison à son client C. Cela peut également être le cas entre A et B.

La fraude carrousel est une fraude spécifique à la TVA intracommunautaire uniquement possible grâce au mécanisme de l’autoliquidation de la TVA pratiquée chez B. Ce montage serait difficile à pratiquer en TVA interne avec 3 entreprises françaises. La TVA déductible chez B, pourrait évidemment déboucher sur un crédit de TVA et faire l’objet d’une demande de remboursement mais elle pourrait éveiller les doutes de l'administration fiscale.

Moyens de lutte contre les fraudes "carrousel"

Cette fraude d'une apparence "légale" pour A et C est d'une gravité particulière compte tenu des pertes de recettes fiscales subies par l'administration fiscale. L'économie obtenue par C peut également fausser à grande échelle la concurrence dans un secteur.

Face à l'augmentation du nombre de ce type de fraude, l'Union européenne et les Etats membres se sont dotés d'un arsenal répressif :

  • la société B à l'origine de la fraude va être condamnée à reverser à l'Etat le montant de la TVA facturée mais conservée, avec une majoration de 80% compte tenu de l'utilisation de manœuvres frauduleuses, plus les intérêts de retard (0,4% par mois de retard). Du point de vu pénal, les dirigeants et la société peuvent être condamnés pour fraude fiscale,
  • la société C, réelle bénéficiaire de la fraude peut également être condamnée en tant qu'auteur de l'infraction ou pour complicité de fraude fiscale. En outre, l'Etat peut également remettre en cause la déduction de TVA opérée s'il s'avère que l'acquéreur "savait ou ne pouvait ignorer" participer à une fraude consistant à ne pas reverser la TVA. Le redressement va également s'accompagner d'une majoration et d'intérêts de retard.
  • la société A, non bénéficiaire directe du montage frauduleux peut également être inquiétée. En effet, l'exonération de la livraison intracommunautaire ne s'applique pas lorsqu'il est démontré que le fournisseur savait ou ne pouvait ignorer que le destinataire présumé de l'expédition (société B) n'avait pas d'activité réelle (article 262 ter-I-1°, 2ème alinéa du CGI). Le redressement de la TVA peut à nouveau s'accompagner d'une majoration et d'intérêts de retard. En outre, la loi de finances pour 2006 a instauré un mécanisme de solidarité de paiement de la taxe entre le fournisseur et le client (article 283-4° du CGI). La société A peut donc être amenée à payer la TVA due à la place de B, si celle-ci est introuvable, si elle savait ou ne pouvait ignorer que tout ou partie de la TVA ne serait pas reversé de manière frauduleuse. Précisons qu'il existe une règle de non-cumul entre cette solidarité de paiement et la remise en cause du droit à déduction (cas de la société C).

Bonnes pratiques pour se protéger

Le danger est réel pour une entreprise honnête (comme pourrait l'être la société A) d'être condamnée à la solidarité de paiement. L'administration fiscale doit évidemment prouver que cette société "ne pouvait pas ne pas savoir". Néanmoins pour se prémunir contre ce risque, il est conseillé aux entreprises honnêtes travaillant régulièrement dans un contexte intracommunautaire de procéder à des vérifications sur le sérieux de ses partenaires et la réalité de son activité. Des recherches peuvent être faites sur des sites d'information comme societe.com ou infogreffe.fr.

Il est également conseillé de vérifier le numéro de TVA intracommunautaire de l'interlocuteur avant toute transaction. Ce numéro peut être vérifier grâce au système VIES sur le site ec.europa.eu/taxation_customs/vies.fr/vieshome.htm. Un service équivalent existe aussi sur le site pro.douane.gouv.fr

Enfin, l'entreprise doit surveiller les indices qui caractérisent ce type de schéma frauduleux : présence de sociétés récentes ayant leur siège social dans des sociétés de domiciliation, volumes de transactions très élevés et répétitifs.