Comment estimer la valeur de votre entreprise ?

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Combien vaut mon entreprise ? Sur quelles bases puis-je discuter avec un investisseur ou un acquéreur potentiel ? Sans vouloir ici se substituer à des analyses financières détaillées, voici quelques pistes pour en estimer la valeur.

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Combien vaut mon entreprise ? Sur quelles bases puis-je discuter avec un investisseur ou un acquéreur potentiel ? Sans vouloir ici se substituer à des analyses financières détaillées, voici quelques pistes pour en estimer la valeur. N’oubliez pas qu’à l’instar d’un bien immobilier, la valeur in fine de votre entreprise dépendra avant tout du prix qu’un ou plusieurs acquéreurs accepteront de débourser. Bref, si certaines entreprises sont vendues « à la casse », d’autres sont parfois acquises à des prix qui surprennent même le bénéficiaire de la cession… Si votre entreprise a une valeur stratégique aux yeux d’un repreneur potentiel, le prix de cession peut atteindre des sommets.

Beaucoup d’évaluations se basent sur le chiffre d'affaires, l'excédent brut d'exploitation (EBE*) ou le résultat net. Ces indicateurs de performance économique sont alors multipliés par des coefficients propres au secteur d'activité. Ces valeurs sont ensuite corrigées du montant des dettes financières et de la trésorerie de votre entreprise. Plusieurs méthodes sont parfois combinées pour aboutir à une valeur moyenne ou à une fourchette de valorisation.

A titre indicatif et en fonction du secteur d’activité et du stade de développement de votre entreprise :

  • Le multiple du chiffre d’affaires annuel est susceptible de varier de 0,3 à 3, voire au-delà de ces bornes. "En général", ce coefficient est compris entre 0,5 et 2.
  • Le multiple du résultat net est pour sa part susceptible de varier de 5 à 30, voire au-delà de cet intervalle. "En général", ce coefficient est compris entre 7 et 14.
  • Le coefficient multiplicateur de l'EBE peut varier de 3 à 20, voire au-delà. Ce coefficient est "en général" compris entre 4 et 8.

  

 

Davantage un art qu’une science

L'amplitude de ces fourchettes indicatives montre à elle seule la difficulté voire l’impossibilité de qualifier de "scientifique" le processus de valorisation d’une entreprise.

Certains experts ont coutume de dire que la valorisation d’une entreprise se situe à la frontière des mathématiques financières et du souk de Marrakech… avec un net avantage pour la négociation qui prévaut dans ce haut lieu du commerce et de l’artisanat marocain.

Le site Internet de l'Ordre des Experts-Comptables a longtemps proposé une rubrique éminemment utile consacrée à l'évaluation d'entreprises, rubrique que nous mentionnions comme référence en première analyse. Cette rubrique n’existe hélas plus mais, comme nous le verrons plus tard, le rôle de l’Expert-Comptable dans le processus d’évaluation et de cession d’une entreprise demeure déterminant !

Ce site Internet indiquait le barème utilisé par l'administration fiscale pour évaluer les transactions sur plusieurs types de commerces, en se basant principalement sur un multiple du chiffre d’affaires.

Une société de courtage d’assurances était ainsi généralement évaluée entre 1 à 2 fois les commissions annuelles ; un centre de remise en forme entre 0,25 et 0,8 fois le CA HT ; un hôtel de tourisme       entre 0,65 et 3,2 fois le CA HT ; une société de conseil informatique entre 0,2 et 0,5 fois le CA HT ; un restaurant entre 0,5 et 0,75 fois le CA HT et un supermarché entre 0,13 et 0,24 fois le CA HT…

 

La prise en compte du passé et de l’avenir

Pour affiner votre évaluation, vous pouvez considérer l'exercice en cours mais également vos prévisions financières à moyen terme. Les flux de trésorerie futurs sont alors corrigés d’un taux d'actualisation **, compris entre 10% pour entreprise peu risquée dans un secteur mature et 60% pour un projet encore très risqué se situant en phase d'amorçage.

Le taux d'actualisation et les coefficients multiplicateurs varient en fonction de votre secteur d'activité et du degré de maturité de votre entreprise.

Si vous appliquez ces méthodes à votre entreprise, vous verrez une fois encore qu’elles peuvent aboutir à des fourchettes de valorisation variant du simple au double voire bien davantage.

Si ces méthodes d’évaluation restent aussi subjectives qu’empiriques, elles constituent néanmoins une base de réflexion intéressante pour déterminer une "valeur raisonnable".

Retenez à ce stade que l’on distingue trois principales méthodes d’évaluation :

  • Une méthode « patrimoniale » basée sur l’évaluation de l’actif net corrigé de votre entreprise. En complément des dettes et des actifs réels d’une d’entreprise, cette approche intègre les plus-values et/ou les moins-values de certains de vos actifs.
  • Une méthode « de rendement », basée sur la performance de votre entreprise, cette rentabilité « normative » étant appréciée par des indicateurs comme votre chiffre d’affaires, votre EBE ou votre résultat net.
  • Une évaluation « par les flux » basée sur les flux de trésorerie prévisionnels de votre entreprise. Ceci met l’accent sur vos perspectives économiques et financières futures et sur votre capacité concrète à générer des liquidités.

Si vous industrialisez votre business, cela aura probablement une incidence sur votre valorisation, tant au niveau des marges que de la récurrence de vos cash flows.

Ce dernier type d’évaluation par les flux est très édifiant car il est logique de valoriser une activité sur la base du cash qu’elle va générer. Cette méthode permet de comprendre pourquoi certaines startups encore déficitaires peuvent avoir des valorisations considérables si leur potentiel de génération de cash flows futurs est considérable. Ce mode de valorisation est néanmoins extrêmement sensible à vos hypothèses de marge et de taux de croissance.

D’autres méthodes d’évaluation constituent des variantes des trois méthodes précédentes, notamment les approches comparatives et les évaluations par barème, où l’on postule à nouveau une performance analogue à des entreprises du même secteur.

Les études de la banque d’affaires Avolta Partners sur la valorisation des startups et sur l’analyse des « exits » (transactions) d’entreprises technologiques au niveau européen sont à ce titre extrêmement utiles car elles sont basées sur l’analyse de plusieurs milliers de transactions réelles, en détaillant les valorisations par type de modèle économique, par secteur d’activité et par type d’acquéreur. L’étude « Tech Exit Transaction Multiples Europe 2018 » indique ainsi des transactions basées sur un multiple médian de 4,1 fois le chiffre d’affaires des 12 derniers mois. Cette fourchette oscille entre 1,6 pour le premier quartile et 9,2 pour le 3ème quartile.

Mon collègue Gilles Lecointre, qui a réalisé de nombreuses évaluations d'entreprises, fournit pour sa part un critère assez robuste consistant, en première approche, à valoriser une PME "une fois son passé et deux fois son avenir". En clair, cela revient à additionner les fonds propres et deux fois le résultat d'exploitation. Bien sûr en retranchant les dettes et en rajoutant la trésorerie disponible.

 

L’influence d’éléments plus difficiles à quantifier

Au-delà de ces approches normatives, la qualité du management constitue un critère essentiel d’évaluation d’une entreprise, quel que soit son stade de développement.

Des facteurs conjoncturels sont eux aussi susceptibles de faire varier significativement l'intervalle de valorisation en question. Après l’éclatement de la bulle Internet en mars 2000, de nombreuses valeurs qui avaient flambé en bourse ont été massacrées, leur cours étant parfois divisé par dix par rapport à leur cours le plus haut. La valorisation des entreprises non cotées a naturellement été affectée par cette déprime généralisée. De tels épisodes sont susceptibles de se reproduire à l’avenir.

Un des nombreux paradoxes de la transmission d’entreprises est de réussir à valoriser une structure qui devra « tourner » sans vous alors qu’on s’est auparavant occupé à assembler, à huiler et à superviser le fonctionnement de ses moindres rouages…

A l’exception de l’approche par les flux de trésorerie futurs, les méthodes d’évaluation classiques n'expliquent pas toujours les valorisations quasi stratosphériques d'entreprises dotées d'actifs stratégiques (savoir-faire, brevet, marques et autres droits de propriété intellectuelle) car le potentiel de développement commercial de ces entreprises s'apprécie souvent à plus de 5 ans.

Une société de biotechnologies peut, à titre d’exemple, ne réaliser aucun chiffre d’affaires et cumuler des pertes considérables tout voyant sa valorisation croître régulièrement et atteindre plusieurs dizaines de millions d’Euros grâce à son portefeuille de brevets, au stade de développement de ses molécules et aux perspectives d’accords industriels et commerciaux avec des groupes pharmaceutiques.

 

Fourchettes de valorisation et opportunités à ne pas manquer

Au final, vous définirez une fourchette de négociation qui comprendra un seuil en deçà duquel vous allez probablement refuser tout deal (trop désavantageux) et un plafond au-delà duquel vous allez très sérieusement considérer l’option « vente » car le prix proposé « ne se refuse pas ».

En croisant différentes méthodes d'évaluation, vous parviendrez ainsi à une fourchette de prix dont vous choisirez ou non de sortir selon des considérations "politiques". On peut cadrer le débat avec des considérations rationnelles et éminemment quantitatives, mais la détermination du prix final demeure avant tout affaire de négociation.

Votre Expert-Comptable et/ou votre Commissaire aux Comptes sont généralement vos premiers interlocuteurs pour vous accompagner dans vos opérations d’acquisition ou, a contrario, de cession ou de transmission de votre entreprise. N'hésitez pas à les consulter pour de telles opérations car ils ont généralement accompagné de nombreuses opérations de cession ou de reprise.

 

 

* L'EBE ou Excédent Brut d'Exploitation est la différence entre les produits et les charges d'exploitation. Contrairement au résultat d'exploitation, il n’intègre pas les dotations aux amortissements et les provisions d'exploitation. Comme son nom l’indique, L’EBE mesure l'excédent généré par l'exploitation de l'entreprise, hors résultats financiers et résultats exceptionnels. Cet EBE est ainsi proche de l'EBITDA de la comptabilité anglo-saxonne (Earnings Before Interests, Taxes, Depreciation and Amortization).

* Le taux d'actualisation permet d’estimer la valeur à la date d'aujourd'hui des flux financiers futurs. Ce taux matérialise à la fois le "coût du temps" et le "coût du risque". Il varie en fonction du stade de développement et de l'appréciation de chaque investisseur. Ainsi, la valeur actualisée à 25% d'un actif qui serait valorisé 6 M€ dans 5 ans est de 6 / (1+25/100)^3 = 2 M€. L'actualisation est le processus inverse de la capitalisation : 2 M€ investis pendant 5 ans au taux de 25% par an vaudront 6 M€ à terme (chiffres arrondis).

 

Étienne Krieger, diplômé d’HEC et docteur ès sciences de gestion à l’Université Paris-Dauphine, est entrepreneur et enseignant à HEC Paris. Professeur Affilié à HEC Paris et Directeur Académique de plusieurs programmes d’entrepreneuriat et d’innovation, il a accompagné plus de 800 créateurs et dirigeants d’entreprises innovantes. Il est président du Club Challenge +, association regroupant une centaine de dirigeants d’entreprises innovantes. C’est également le référent d’HEC au sein du fonds d’amorçage Paris Saclay Seed Fund, créé à l’initiative d’HEC et de Polytechnique. Il est cofondateur, administrateur et/ou conseiller de plusieurs entreprises technologiques. Coauteur de l'ouvrage "De l'entreprise traditionnelle à la start-up", il a publié de nombreux articles sur le thème de l’innovation, de la confiance et du financement des jeunes entreprises.