Comment dépasser son seuil de rentabilité ?

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Fiche pratique

Pour un entrepreneur, atteindre puis dépasser seuil de rentabilité, encore appelé « point mort d’exploitation » est souvent le bout du premier tunnel… Ce seuil de rentabilité est en effet le niveau de chiffre d'affaires nécessaire pour qu’une entreprise soit rentable. Découvrez comment le dépasser.

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Pour un entrepreneur, atteindre puis dépasser seuil de rentabilité, encore appelé « point mort d’exploitation » est souvent le bout du premier tunnel… Ce seuil de rentabilité est en effet le niveau de chiffre d'affaires nécessaire pour qu’une entreprise soit rentable.

Le seuil de rentabilité est fonction des coûts fixes de votre entreprise et de votre marge sur coûts variables (seuil de rentabilité = coûts fixes / marge sur coûts variables).

Si l'on mesure cette rentabilité par votre excédent brut d'exploitation (EBE*), votre seuil de rentabilité sera donc le niveau minimal de chiffre d’affaires nécessaire pour que l'EBE soit égal à zéro. 

Cette définition montre que l’on peut atteindre et dépasser le seuil de rentabilité de deux manières : en limitant ses coûts fixes et/ou en vendant avec une marge aussi élevée que possible.

Ce constat est trivial mais les choses se compliquent cependant pour certaines entreprises. En effet, si beaucoup d’activités sont d’emblée rentables en nécessitant peu de charges fixes (frais de personnel, loyers, investissements marketing et commerciaux…), d’autres entreprises nécessitent en revanche des charges et des investissements considérables et ne génèrent parfois du chiffre d’affaires et, a fortiori, des marges bénéficiaires qu’au bout de plusieurs années. Ceci décale d’autant plus l’atteinte de ce fameux « point mort ». C’est le cas des startups technologiques, dont la valeur à moyen terme pourra par contre être un multiple très élevé de l’EBE ou du chiffre d’affaires de l’entreprise en question.

Certaines activités requièrent peu de charges fixes et génèrent d’emblée des marges sur coûts variables très confortable, supérieures à 40% voire à 50%. C’est notamment le cas des services. Pour autant, leur potentiel de croissance peut être plus réduit que d’autres entreprises, dont les coûts fixes sont certes plus importants mais dont les marges bénéficiaires seront d’autant plus confortables que leur offre, très différenciée de celle de leurs concurrents, pourra couvrir un marché mondial.

De nombreuses entreprises du secteur cosmétique, pharmaceutique ou dans le domaine des spiritueux ont ainsi des marges sur coûts directs très supérieures à 60%. Ces entreprise sont, en rythme de croisière, largement au-dessus de leur seuil de rentabilité et sont d’authentiques machines à cash flows…

 

 

Quel niveau de coûts fixes ?

Si vous faites appel à des prestataires extérieurs, le coût de tels sous-traitants sera clairement variable mais il sera en général plus élevé que si votre entreprise embauchait des profils similaires (coûts fixes). Un programmeur « free-lance » vous coûtera par exemple aux alentours de 500 € HT par jour tandis qu’un profil similaire, rémunéré 2500 € net/mois, vous coûtera aux alentours de 250 € par jour, charges sociales incluses, soit deux fois moins que notre programmeur externalisé.

Si vous avez une visibilité suffisante sur votre carnet de commande, vous avez donc tout intérêt à embaucher un informaticien… mais vous aurez alors créé des charges fixes annuelles de près de 50 k€. Cet exemple montre que si d’une part, vous améliorez très significativement votre marge sur coûts variables, vous augmentez en revanche vos coûts fixes. Ceci peut s’avérer problématique si votre carnet de commandes diminuait brutalement et durablement, par exemple en cas de retournement de conjoncture.

Embaucher davantage de collaborateurs élève significativement votre seuil de rentabilité mais cela a en revanche un impact très positif sur la qualité de votre offre, notamment en termes de réactivité et de service après-vente. Cela permet également de mobiliser des talents pour développer votre activité. Les charges fixes sont donc souvent un passage obligé pour un entrepreneur en quête de croissance.

Quel prix de vente et quel budget marketing ?

Le calcul de votre seuil de rentabilité peut s’effectuer pour une activité donnée voire pour un seul produit. Il faut alors isoler les charges fixes propres à cette activité ou à cette offre. Le dilemme évoqué précédemment en matière d’embauche (coûts fixes) ou de recours à des sous-traitants (charges variables) s’enrichit alors de questions non moins essentielles : à quel prix peut-on vendre ? Nos prix sont-ils plus élevés que ceux du concurrent le plus dangereux ? Pouvons-nous, en réduisant nos prix de vente (et donc nos marges), augmenter significativement nos volumes de ventes ? Quelles sont les investissements marketing et commerciaux requis pour promouvoir notre offre et atteindre nos objectifs commerciaux ?

Le prix de vente impacte directement votre seuil de rentabilité puisque la marge sur coûts variables est fonction du niveau de prix et que ce prix influence de surcroît vos volumes de vente.

Pour revenir aux coûts fixes, il faut rappeler que même les produits et les services les plus compétitifs ne se vendent pas tout seuls. Il est donc nécessaire de ne pas lésiner sur votre budget marketing… ce qui accroît à nouveau notre seuil de rentabilité. Mais quelle serait l’utilité d’un seuil de rentabilité théoriquement très bas si les ventes n’étaient pas au rendez-vous et que l’activité serait in fine déficitaire ? Un plan marketing a certes un coût mais c’est également le meilleur moyen de maximiser vos chances de dépasser vos objectifs commerciaux.

Seuil de rentabilité et business plan

Quid si votre CA chutait de 30% du fait d’un retournement de conjoncture ou d’un concurrent frontal ? Votre activité resterait-elle profitable ou faudrait-il tailler dans vos coûts fixes et/ou modifier votre offre afin d’améliorer vos marges ? Lorsque l’on réalise un business plan, il convient précisément de se poser de telles questions et d’en modéliser l’impact, avec différentes hypothèses de prix de vente et de coûts fixes.

On voit donc que cette analyse du seuil de rentabilité suscite des questions de fond sur notre modèle économique et nos objectifs stratégiques et financiers. S’il convient de dépasser rapidement le seuil de rentabilité, il n’est par contre pas toujours opportun de l’abaisser au détriment de la qualité globale de l’offre et de la satisfaction de ses clients. Tout est au final affaire de dosage…

 

* L'EBE ou Excédent Brut d'Exploitation est la différence entre les produits et les charges d'exploitation. Contrairement au résultat d'exploitation, il n’intègre pas les dotations aux amortissements et les provisions d'exploitation. Comme son nom l’indique, L’EBE mesure l'excédent généré par l'exploitation de l'entreprise, hors résultats financiers et résultats exceptionnels. Cet EBE est ainsi proche de l'EBITDA de la comptabilité anglo-saxonne (Earnings Before Interests, Taxes, Depreciation and Amortization).

 

Étienne Krieger, diplômé d’HEC et docteur ès sciences de gestion à l’Université Paris-Dauphine, est entrepreneur et enseignant à HEC Paris. Professeur Affilié à HEC Paris et Directeur Académique de plusieurs programmes d’entrepreneuriat et d’innovation, il a accompagné plus de 800 créateurs et dirigeants d’entreprises innovantes. Il est président du Club Challenge +, association regroupant une centaine de dirigeants d’entreprises innovantes. C’est également le référent d’HEC au sein du fonds d’amorçage Paris Saclay Seed Fund, créé à l’initiative d’HEC et de Polytechnique. Il est cofondateur, administrateur et/ou conseiller de plusieurs entreprises technologiques. Coauteur de l'ouvrage "De l'entreprise traditionnelle à la start-up", il a publié de nombreux articles sur le thème de l’innovation, de la confiance et du financement des jeunes entreprises.