La jurisprudence européenne et les nouvelles conditions de récupération
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 20 janvier 2021, aff. C-288/19) a posé le principe qu’une mise à disposition de véhicule de tourisme à un salarié ne constitue une prestation de services soumise à TVA que si elle donne lieu à une contrepartie identifiable. L’administration française a repris cette position dans le rescrit BOI-RES-TVA-000161 du 30 avril 2025 : la TVA sur l’acquisition, la location, la réparation ou l’entretien d’un véhicule de tourisme devient déductible si le salarié verse une contrepartie explicite (paiement, retenue sur salaire, renonciation à un avantage contractuel). Le véhicule doit être affecté dès l’origine à cette activité de location interne, ce qui permet de déroger à l’exclusion de déduction prévue à l’article 206, IV-2-6° de l’annexe II au CGI.
Le simple avantage en nature ne suffit pas : quelles solutions pour l’entreprise ?
L’octroi d’un avantage en nature, constaté sur la fiche de paie sans qu’aucune contrepartie réelle ne soit versée par le salarié, ne permet pas la récupération de la TVA. La doctrine administrative précise qu’il ne s’agit alors pas d’une prestation de services à titre onéreux : la TVA reste exclue du droit à déduction conformément à l’article 206 précité.
Pour ouvrir ce droit à l’avenir, l’entreprise doit mettre en place une contribution financière explicite du salarié, formalisée dans un contrat ou un avenant, et collecter la TVA sur cette somme. Pour le passé, une régularisation reste possible si la contrepartie peut être justifiée et la TVA collectée rétroactivement.
Une telle pratique est pour le moment rare dans les entreprises. La plupart du temps, pour les salariés bénéficiant d’un véhicule de fonction de manière permanente, un avantage en nature est évalué et soumis à cotisations sociales, mais cela ne constitue pas une contrepartie au sens de cette doctrine. Les entreprises auraient donc intérêt à modifier les conditions juridiques et contractuelles permettant de justifier d’une contrepartie afin de pouvoir récupérer la TVA sur ces véhicules.
Extrait actualité BOFiP du 30 avril 2025, BOI-RES-TVA-000161
Lorsque la mise à disposition d’un véhicule fait l’objet d’une contrepartie contractuellement stipulée entre la société et son salarié, elle constitue une prestation de services à titre onéreux en tant que telle au sens du c du paragraphe 1 de l’article 2 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 modifiée (CJUE, arrêt du 20 janvier 2021, aff. C-288/19, « QM c/ Finanzamt Saarbrücken », ECLI:EU:C:2021:32).
Au regard de la jurisprudence européenne, il est indifférent que :
- la stipulation prenne place dans un contrat ad hoc ou dans une clause du contrat de travail lui-même (CJUE, arrêt du 20 janvier 2021, aff. C-288/19, point 52) ;
- la contrepartie soit le versement d’une somme ou d’un équivalent consistant, pour le salarié, à renoncer à une fraction précise de son salaire ou à un autre avantage identifié que lui proposait son employeur en vertu d’un contrat (CJUE, arrêt du 20 janvier 2021, aff. C-288/19, point 31) ;
- le montant de la contrepartie soit égal, supérieur ou inférieur aux coûts que l’assujetti a encourus dans le cadre de la fourniture de sa prestation (CJUE, arrêt du 11 mars 2020, aff. C-94/19, « San Domenico Vetraria SpA c/ Agenzia delle Entrate », ECLI:EU:C:2020:193, point 29) ;
- la mise à disposition puisse, le cas échéant, constituer pour le salarié un avantage en nature taxable à l’impôt sur le revenu. Pour le juge européen, l’existence d’un tel avantage, évalué pour le calcul de l’impôt sur le revenu, ne saurait être assimilé à un loyer aux fins d’application de la TVA (CJUE, arrêt du 11 mars 2020, aff. C-94/19, point 43 et CJUE, arrêt du 18 juillet 2013, « État Belge c/ Medicom SPRL et Maison Patrice Alard SPRL », aff. C‑210/11 et C‑211/11, ECLI:EU:C:2013:479, points 28 et 29).
À titre illustratif, outre le cas du versement d’une somme par le salarié, la notion de contrepartie stipulée se rencontre notamment lorsque le salarié :
-
bénéficie d’un véhicule en contrepartie d’un prélèvement sur son salaire brut ou net. En effet, dans un cas comme dans l’autre, le salarié renonce à une fraction de sa rémunération en argent en échange d’un avantage individualisé, au cas particulier la mise à disposition du véhicule ;
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bénéficie d’un véhicule en contrepartie d’un prélèvement sur son salaire et de l’utilisation d’un crédit de points convertible en salaire supplémentaire. Dans ce système, le salarié dispose d’un capital de points qui lui permet de choisir un modèle de véhicule plus ou moins haut de gamme. Lorsque le salarié dépasse son budget, lequel est constitué par le prélèvement sur son salaire brut et la mobilisation totale de son crédit d’utilisation, un prélèvement supplémentaire est opéré sur son salaire net. Lorsque le salarié reste en-deçà de son budget, il a la possibilité de convertir le crédit inutilisé en argent sous la forme d’un surcroît de salaire ou bien d’utiliser ledit crédit le mois suivant. Dans ces deux situations, le salarié renonce bien à une partie de rémunération ;
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bénéficie d’un véhicule en contrepartie de l’utilisation d’une somme allouée par l’employeur convertible en salaire supplémentaire. Le salarié qui décide de bénéficier d’un véhicule d’entreprise dans de telles conditions renonce à un surcroît de rémunération, élément qui suffit à caractériser l’existence d’une prestation de services à caractère onéreux.
Source : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/14347-PGP.html/identifiant=BOI-RES-TVA-000161-20250430
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