Autorité de la chose jugée au pénal et impact sur le contentieux fiscal

Jurisprudence
Fiscalité Impôt sur le revenu - IRPP

Pour le Conseil d'État, une qualification fiscale retenue par le juge pénal ne s'impose pas au juge de l'impôt. Le juge de l’impôt conserve son autonomie. M. B. a fait l'objet d'un ESFP (Examen Contradictoire de Situation Fiscale Personnelle) portant sur les années 2015 et 2016.

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Contexte de l'affaire

Pour le Conseil d'État, une qualification fiscale retenue par le juge pénal ne s'impose pas au juge de l'impôt.

Le juge de l’impôt conserve son autonomie.
M. B. a fait l'objet d'un ESFP (Examen Contradictoire de Situation Fiscale Personnelle) portant sur les années 2015 et 2016.

De façon concomitante, M. B fait l'objet de poursuites pénales pour fraude fiscale.

Il est relaxé par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

A l'issue du ESFP il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de contributions sociales, et de majoration pour manquement délibéré (article 1729 du code général des impôts) s'agissant des rectifications au titre de revenus d'origine indéterminée.

Par un jugement le TA (Tribunal Administratif) de Nice a rejeté la demande de
M. B. tendant à la décharge de cette majoration.

En appel de M.B. la CAA (Cour Administrative d'Appel) de Marseille a annulé ce jugement et prononcé la décharge de la majoration en litige.

La CAA avait prononcé la décharge de la majoration fiscale en se fondant sur l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt pénal (CA d'Aix-en-Provence).

Pour la CAA l’arrêt pénal, s'imposait au juge fiscal.

Pour le ministre la CAA avait méconnu la portée de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le contentieux fiscal, en considérant que la qualification fiscale retenue par le juge pénal s'imposait au juge de l'impôt.


Le ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation.
L'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions des juges répressifs s'attache à la constatation matérielle des faits, et à leur qualification sur le plan pénal.

Pour autant, elle n'a pas d'incidence sur la qualification par le juge de l'impôt « de ces mêmes faits au regard de la loi fiscale ».


Pour la CAA, l'autorité de la chose jugée faisait obstacle à ce que les sommes en litige puissent être qualifiées de revenus d'origine indéterminée.

Pour la CAA, l'autorité de la chose jugée par la cour d'appel faisait obstacle à ce que les sommes en litige puissent être qualifiées de revenus d'origine indéterminée.

Les revenus perçus étaient constitutifs de dons manuels, et non de revenus d'origine indéterminée imposables.

En statuant ainsi alors que :

  • Le motif de l'arrêt de la cour d'appel, à savoir ne pas avoir déclaré un don manuel, et en l'espèce l'infraction de fraude fiscale n'était pas caractérisée
  • Et une relaxe de l'intéressé au motif que les fonds en litige auraient répondu aux caractéristiques fiscales d'un don manuel ne s'imposait pas au juge de l'impôt.

La CAA de Marseille s'est méprise sur la portée de la décision rendue par le juge pénal et a commis une erreur de droit.

En l’espèce, le ministre est fondé, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

Décide :
Article 1er : L'arrêt du 15 février 2024 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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Cour de cassation du , pourvoi n°Arrêt du Conseil d'État du 6 mai 2025, n° 493304

Commentaire de LégiFiscal

Le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal, s'impose sur le civil.

Ce qui a été définitivement jugé au pénal s'impose aux juridictions civiles.

Les constatations matérielles de faits s'imposent au juge fiscal, mais pas leur qualification juridique au regard du droit fiscal.