Vente en viager et absence de paiement du bouquet et de la rente

Jurisprudence
Patrimoine Immobilier

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Contexte de l'affaire

Par acte authentique du 29 décembre 2008, M. M. L a vendu en viager à la SCI J la nue-propriété de trois biens immobiliers.

Le prix était composé d'un bouquet d'un montant de 50.000 euros versé à la signature de l'acte et d'une rente mensuelle viagère de 4.200 euros au profit de M. L et de Mme O, son ex-épouse.

Au jour de la vente, la SCI J. compte trois associés : M. F.W, petit-fils de M. M.L, Mme J.W. petite-fille de M. M.L, et Mme C.O, ex-épouse de M. M.L.

La vente a été soumise aux droits de mutation à titre onéreux pour un total de 50 900 €, à partir de l'évaluation en capital de la rente viagère pour 1 000 000 €.

À la suite d'une vérification de la situation fiscale personnelle de M. M. L l’administration fiscale a émis, une proposition de rectification en considérant, au visa de l'article L. 64 du LPF (Livre des Procédures Fiscales) que :

« cette vente dissimulait une donation aux fins d'éluder les droits de mutation à titre gratuit applicables entre non-parents, soit entre une personne physique et une personne morale de 60%. »


Le comité de l'abus de droit fiscal a émis un avis :  L'administration fiscale était fondée à mettre en œuvre la procédure prévue à l'article L. 64 du LPF en retenant notamment qu'aucune des sommes prévues au contrat de vente n'avait été réglée.

L'administration fiscale a émis un avis de mise en recouvrement.

La SCI J a formé une réclamation, laquelle a été rejetée.


La SCI. J et M. M. L ont fait assigner la direction générale des finances publiques devant le TGI (Tribunal de Grande Instance) de Draguignan.

Par jugement ce tribunal a :

- rejeté la demande tendant au dégrèvement intégral de l'imposition
- dit qu'une pénalité pour manquement délibéré de 40 % - et non de 80 %  est due
- condamné la S.C.I. J et M.L, in solidum, aux dépens de l'instance,

La SCI. J et M. M. L ont interjeté appel.

Article L. 64 du LPF: "l'administration est en droit d'écarter, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles."

Le litige est soumis, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal.

Le caractère fictif de l'acte ou l'intention frauduleuse d'éluder les charges fiscales, sont des conditions alternatives et non cumulatives.

Pour eux, le premier juge a, à tort, omis de prendre en compte le versement du prix du bouquet versé depuis 2 ans avant la proposition de rectification.

Mme C.O associée de la SCI J et co bénéficiaire de la rente viagère reconnaissait, en 2011, le non-paiement du bouquet de la rente, alors que l'acte du 29 décembre 2008 mentionnait que le bouquet avait été versé hors la comptabilité du notaire,

Les livres comptables produits par la SCI J. :

  • Attestent de la souscription d'un emprunt pour le règlement dudit bouquet en 2012 seulement ainsi que le versement de la rente à compter de 2013.
  • Attestent de l'incapacité pour la SCI J. de financer le paiement mensuel de la rente viagère.

La preuve de la fictivité de l'acte de vente avec rente viagère est constituée par :

- Le défaut de paiement constaté pendant 3 années, sans que les crédits-rentiers n'aient engagé une quelconque action envers la SCI J

- Et le paiement n'est initié qu'à la suite d'une vérification de la situation fiscale de l'un des crédits-rentiers

L'intention libérale du vendeur est caractérisée par la composition de la SCI J .

L'acte ne profite qu'aux petits-enfants du vendeur et à son ex-épouse :

  • Avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité
  • Qui est aussi bénéficiaire de la rente viagère.

Cette intention libérale est renforcée, puisque la vente avec rente viagère ne procédait nullement d'une nécessité économique pour M. M.L.

La volonté des associés de la SCI J et les liens entre eux, et avec le vendeur démontre que l'objectif patrimonial aurait pu être atteint par une transmission directe, avec des conséquences fiscales nettement désavantageuses.

C'est dès lors à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de dégrèvement et que le jugement est confirmé.

Par ces motifs
La cour statuant par arrêt contradictoire,

(…)
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 20 décembre 2019 en toutes ses dispositions déférées à la cour

Condamne in solidum M. [M] [L] et la SCI Jeremy aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
(…)

Cour de cassation du , arrêt n°ARRÊT DE LA COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE DU 15 FÉVRIER 2024, N° 20/00930

Commentaire de LégiFiscal

Les preuves de la fictivité de l’acte :  le défaut de paiement pendant 3 ans, sans que les crédits-rentiers n’aient engagé une action envers la SCI J.  

Le paiement n’est initié qu’à la suite d’une vérification fiscale de l’un des crédits-rentiers