La CVAE, une suppression déjà engagée
Créée en 2010 dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est assise sur la valeur ajoutée produite par les sociétés dont le chiffre d’affaires excède 500.000 €. Son taux, qui dépend du montant du chiffre d’affaires, a été progressivement réduit (division par 2 en 2021 puis de nouveau par 2 en 2023). La trajectoire actuelle fixée par la loi de finances pour 2025 prévoit sa disparition complète en 2030, avec une baisse échelonnée à partir de 2028.
Cet impôt est assis sur la valeur ajoutée fiscale c’est-à-dire de manière simplifiée, la marge restante après déduction de l’ensemble des achats de biens et prestations auprès des fournisseurs. Les recettes de la CVAE alimentent principalement les budgets des communes et départements, constituant une ressource importante pour les collectivités locales.
La C3S, un impôt ancien mais allégé
La contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) a été créée en 1970. Elle s’applique au chiffre d’affaires hors taxes réalisé par les entreprises, après application d’un abattement. Le seuil d’exonération, longtemps fixé à 760.000 €, a été relevé à 19 millions € en 2016, ce qui a fortement réduit le nombre de redevables. La C3S est calculée en appliquant un taux unique de 0,16 % sur le chiffre d’affaires excédant ce seuil. Elle finance le régime des indépendants et contribue à l’équilibre de leur régime de protection sociale.
Deux logiques de financement différentes
Dans son rapport publié le 22 septembre, le CPO juge le calendrier de suppression de la CVAE risqué. « La suppression de la CVAE laisse entière la question du financement durable des communes et départements », alerte-t-il.
Avec un seuil d’imposition porté à 19 millions de chiffre d’affaires, la C3S n’est due que par les grandes entreprises. Initialement, cet impôt devait disparaître à l’horizon 2017 avant que François Hollande ne tranche en faveur de son maintien. Pourtant, sa logique reste très discutable car basée sur le chiffre d’affaires à l’inverse de la CVAE, assise sur la marge.
« Supprimer la C3S plutôt que la CVAE permettrait de sécuriser les ressources locales sans accroître la charge des entreprises », conclut l’institution. Reste à savoir si le gouvernement suivra cette recommandation, ou maintiendra le cap d’une disparition totale de la CVAE d’ici 2030.
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Tracer un cadre fiscal et social pluriannuel pour l?industrie française | Cour des comptes
Depuis les années 1970, la France a été confrontée à un phénomène de désindustrialisation que les pouvoirs publics ont tenté d?enrayer depuis la fin des années 2000, notamment par une politique de baisse des prélèvements obligatoires sur les entreprises. Le Conseil des prélèvements obligatoires constate que ces mesures fiscales et sociales ont accompagné une stabilisation de la part de l?industrie dans la richesse nationale depuis le début des années 2010, mais que ces baisses d?impôts devraient être maintenues dans la durée et financées de façon crédible pour produire pleinement leurs effets. Dès les années 1970, la France a été confrontée à un phénomène de désindustrialisation qui s?est notamment traduit par une baisse de la part de l?industrie dans la valeur ajoutée nationale (passée de 25 % à 15 % entre 1973 et 2023). Si cette tendance a également été constatée dans d?autres économies européennes, le phénomène a été relativement plus marqué en France.Le secteur industriel est affecté par des prélèvements obligatoires de natures diverses : prélèvements sur la masse salariale (cotisations sociales, impôts sur les salaires), autres impôts sur la production (notamment, contribution sur la valeur ajoutée des entreprises et contribution sociale de solidarité des sociétés), impôts sur les bénéfices des sociétés, impôts sur les produits (notamment, accise sur l?énergie). Au total, d?après les estimations du CPO, hors droits de douane, les principaux prélèvements susceptibles de peser sur les entreprises industrielles représentaient, en 2023, un total de 91 Md?. Pour contrer cette tendance à la désindustrialisation et ses effets notamment sur l?emploi, les pouvoirs publics ont pris, depuis la fin des années 2000, des mesures d?allègement des prélèvements obligatoires. Ces mesures dont a bénéficié le secteur industriel ont pris la forme d?une baisse du taux de l?impôt sur les sociétés et de certains impôts de production, comme le CPO le recommandait, ainsi que d?allègements de cotisations sociales.Le taux implicite moyen d?imposition des bénéfices des entreprises industrielles avant crédits d?impôts est ainsi passé de 23,2 à 17,5 % entre 2016 et 2022, soit une baisse de 5,7 points. Cette évolution a cependant été inversée en loi de finances pour 2025 avec la création pour une année d?une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises.Les mesures d?allègement de cotisations sociales sur les bas salaires ont permis de limiter la hausse du coût du travail en France. Mais le secteur industriel en a moins bénéficié que les autres secteurs, à la fois parce que les rémunérations y sont plus élevées que dans les autres secteurs et parce que les salaires nationaux représentent une proportion, directe ou indirecte, dans la valeur ajoutée plus faible dans l?industrie que dans les services.L?exposition du secteur industriel aux exonérations de cotisations sociales liées aux compléments salariaux est, en outre, variable : forte pour l?intéressement et la participation, elle est plus modérée en ce qui concerne les heures supplémentaires, dispositif dont plusieurs études mettent en évidence l?absence d?effet sur le nombre total d?heures travaillées.La France a enfin consenti un effort de stabilisation, puis de réduction des impôts sur la production, assis sur d?autres assiettes que les salaires et concentré sur les impôts fonciers, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et, dans une moindre mesure, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Certains de ces impôts, la C3S en particulier, sont très distorsifs. Ils portent en effet sur des éléments amont du compte de résultat qui sont susceptibles d?influer sur les choix de structure de production et d?investissement et qui sont répercutés dans les prix de vente, selon le pouvoir de marché du secteur.Pour contribuer à la consolidation du processus de réindustrialisation, l?outil fiscal n?est pas le levier principal : la disponibilité d?un foncier adapté, l?accès aux réseaux de transports, le coût de l?énergie, l?acceptabilité environnementale et sociale, l?adéquation de la main d?oeuvre locale à leurs besoins quantitatifs et qualificatifs figurent au nombre des préoccupations centrales des entreprises industrielles.Le cadre fiscal et social n?en demeure pas moins très important dans les décisions d?investissement des entreprises industrielles. Sa prévisibilité et sa crédibilité conditionnent la dynamique de réindustrialisation. Selon le CPO, la loi de programmation des finances publiques a vocation à définir une trajectoire pluriannuelle des prélèvements par grande catégorie d?impôts et de cotisations. Cette trajectoire devrait assurer, selon un calendrier déterminé par les marges disponibles, la suppression de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises et la pérennisation du taux normal de l?IS à 25%, tout en réduisant les dépenses fiscales les moins efficientes qui limitent le rendement de cet impôt (calcul du CIR au niveau du groupe, resserrement des régimes zonés, notamment). Cette stabilisation du cadre fiscal et social bénéficierait aux entreprises dans leur ensemble, mais serait favorable, en particulier, au secteur industriel, plus intensif en capital, et sujet àdes cycles longs d?investissement.L?allègement des impôts de production devrait aussi être poursuivi dans le but d?améliorer la compétitivité industrielle. En fonction des marges de manoeuvre financière, la suppression de la C3S, qui présente les caractéristiques les plus distorsives au plan économique, pourrait être privilégiée sur celle de la CVAE. Son financement pourrait être assuré par une remise en cause des régimes dérogatoires des heures supplémentaires dont les effets d?aubaine sont avérés et qui bénéficient peu à l?industrie.