Limitation de la déduction des intérêts

Impôt sur les sociétés
Fiche pratique

Dans le cadre de la détermination du bénéfice imposable, les entreprises faisant partie d'un groupe bénéficient généralement de sommes mises à leur disposition dans le cadre de comptes courants d'associés. Elles doivent vérifier à ce titre que ces charges financières ne sont pas limitées par le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation. L’article 34 de la loi de finances pour 2019 a réformé les différents dispositifs de limitation de déduction des charges financières.

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Nouveau dispositif de déduction des charges financières (à compter des exercices ouverts en 2019)

4 dispositifs supprimés

La loi de finances pour 2019 a transposé l’article 4 de la directive 2016/1164/UE du 12 juillet 2016 dite « ATAD 1» (anti-tax avoidance).

L’article 34 de la loi de finances pour 2019 instaure ainsi un dispositif unique de limitation des charges financières et remplace les dispositifs suivants :

  • le dispositif de limitation des intérêts pour les entreprises sous-capitalisées (article 212 du CGI)
  • le dispositif dit du « rabot fiscal » (article 212 bis du CGI)
  • le dispositif dit de « l’amendement Carrez » (article 209 du CGI)
  • le dispositif de limitation de la surcapitalisation des entreprises soumises au régime de la taxe au tonnage (article 290-0 B du CGI).

Le nouveau dispositif mis en place arrive en troisième position dans l’ordre d’application des dispositifs de limitation des charges financières après celui limitant le taux de rémunération des comptes courants (article 212 I a du CGI) et les mesures anti-hybrides (article 212 I b du CGI).

Les principes du nouveau dispositif

Le nouveau dispositif prévoit un plafonnement des charges financières nettes selon la limite la plus élevée entre :

  • un montant de 3 millions €
  • 30% de l’EBITDA fiscal.

Dans les faits, les sociétés dont le montant des charges financières n’excède pas 3 millions € ne sont pas soumises à cette limitation. De même, lorsque l’EBITDA excède 10 millions €, le plafond de 30% de l’EBITDA s’applique.

Les charges financières nettes correspondent aux charges financières déductibles après déduction des produits financiers.

L’EBITDA est proche de la notion française d’EBE (excédent brut d’exploitation). Mais l’EBITDA fiscal est différent de l’EBITDA au sens de l’indicateur anglo-saxon. Le CGI donne une formule de l’EBITDA fiscal à partir du résultat fiscal :

EBITDA fiscal = Résultat fiscal avant imputation des déficits + Charges financières nettes + Dotations aux amortissements et provisions déductibles nettes des reprises imposables + Plus ou moins-values soumises au taux de 15 ou 19%.

Des règles spécifiques s’appliquent pour les entreprises participant à des projets d’infrastructure publique à long terme. Le plafond de déduction des charges financières est en outre déduit lorsque l’entreprise est sous-capitalisée (montant des sommes mises à disposition par les entreprises liées > 1,5 fois Fonds propres).

Ancien dispositif de limitation des charges financières (applicable jusqu'en 2018)

Ordre de calcul des réintégrations

Les différents régimes de limitation des charges financières et les réintégrations extra-comptables qu'ils provoquent le cas échéant doivent être pratiqués dans l'ordre suivant :

Ordre

Dispositif

Fonctionnement

1

Limitation des intérêts des comptes courants d'associés

Il s'agit des sommes prêtées par les associés à la société contre des intérêts.

Pour être déductibles :

  • le capital doit être entièrement libéré
  • le taux pratiqué ne doit pas excéder le taux moyen pratiqué pour les placements à taux variable de moins de 2 ans (TMPV), publié tous les mois.

2

Dispositif de limitation des intérêts dans le cadre de la lutte contre la sous-capitalisation

Il concerne également les avances reçues de la part d'entreprises liées. Le dispositif est détaillé dans les paragraphes suivants.

3

Plafond général de limitation des charges financières nettes

Ce dispositif concerne les sociétés soumises à l’IS dont le montant total des charges financières nettes excède 3 millions €.

La part des charges financières nettes déductibles est dans ce cas limitée :

  • à 85% pour les exercices clos au 31 décembre 2012 et en 2013
  • à 75% pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2014, soit une réintégration de 25% des charges financières nettes.

Les charges financières nettes correspondent aux sommes laissées ou mises à la disposition d’une entreprise non membre d’un groupe intégré fiscalement.

Elles son obtenues par différence entre les charges financières et les produits financiers à l'exclusion des dotations et reprises sur dépréciations et provisions et à l'exclusion des plus ou moins values de cession des valeurs mobilières de placement.

Pour les membres d’un groupe fiscal intégré, le plafonnement est applicable aux charges financières nettes résultant d’opérations réalisées avec des sociétés hors du groupe.

Lutte contra la sous-capitalisation : les 3 ratios (applicable jusqu'en 2018)

La société bénéficiaire des avances ou des prêts de la part des entreprises liées peut se voir refuser la déduction des intérêts, même si le taux maximum des comptes courants est respecté, si au titre de l'exercice, elle est considérée comme « sous-capitalisée ».

Une entreprise est présumée sous-capitalisée si ces intérêts ne respectent pas 3 ratios (ratio d'endettement, ratio de couverture d'intérêts, ratio d'intérêts servis par des entreprises liées).

Il suffit qu'un seul de ces 3 ratios soit respecté pour que ce dispositif soit inapplicable à l'entreprise.

Ratio d'endettement

Ratio = Montant moyen des avances consenties par les entreprises liées / Capitaux propres à l'ouverture ou clôture (au choix de l'entreprise, exercé exercice par exercice)

Entreprise sous-capitalisée si ratio > 1,5.

Pour l'appréciation de ce ratio, il doit être tenu compte des dettes garanties par les entreprises liées à l'entreprise débitrice.

Ratio de couverture d'intérêts

Ratio = Intérêts servis à entreprises liées / résultat courant avant impôt retraité.

Entreprise sous-capitalisée si ratio > 25%.

A nouveau, ce ratio doit tenir compte des intérêts servis au titre des sommes mises à disposition dont le remboursement est garanti par des entreprises liées.

Le retraitement du résultat courant avant impôt (retenu au sens comptable du terme) consiste à le majorer des sommes suivantes :

- intérêts dus à des entreprises liées (dans la limite du TMPV)

- dotations aux amortissements de l'exercice (hors amortissements dérogatoires)

- quote-part de loyers de crédit-bail correspondant au remboursement du capital.

Dans les faits, ce ratio ressemble beaucoup à celui utiliser régulièrement en analyse financière, du type "intérêts / EBE". Le taux de 25% est d'ailleurs souvent mis en avant comme une limite à ne pas dépasser au risque d'être trop endetté.

Ratio d'intérêts servis par des entreprises liées

Ratio = Intérêts qui lui sont dus par l'ensemble des entreprises liées/Intérêts que l'entreprise doit à des entreprises qui lui sont liées

Entreprise sous-capitalisée si ratio < 1.

Pour respecter ce ratio et ne pas être en situation de sous-capitalisation, il est nécessaire d'avoir un montant d'intérêts reçus par les entreprises liées supérieur aux intérêts versés.

Les entreprises en situation de sous-capitalisation doivent déposer l'imprimé 2900-SD.

Les ratios y sont exprimés sous forme de "bornes" en euros. La fraction à réintégrer est obtenue par le calcul suivant : Intérêts versés à des entreprises liées - ratio exprimé en euros le plus élevé des trois.

Par exception, si la fraction de ces intérêts à réintégrer selon ce calcul est inférieure à 150.000 €, aucune réintégration extra-comptable n'est à opérer.

Exception au dispositif de lutte contre la sous-capitalisation

Les intérêts dus à des entreprises liées ne sont pas soumis au dispositif de sous-capitalisation si une entreprise considérée comme sous-capitalisée compte tenu des trois ratios, prouve que son ratio d'endettement ne dépasse pas le ratio d'endettement global du groupe auquel elle appartient au titre de l'exercice considéré.

Le report des intérêts sur les exercices suivants

La perte de déduction des intérêts liés à ce dispositif n'est pas définitive. En effet, les intérêts non déductibles au titre d'un exercice peuvent être déduits lors des exercices suivants dans les conditions suivantes :

  • en N+1, dans la limite de la différence entre 25 % du résultat courant avant impôt retraité (ratio de couverture d'intérêts) et des intérêts déductibles dus à des entreprises liées,
  • pour les exercices suivant, selon le même calcul, mais sous déduction d'une décote de 5 % au titre de chaque exercice.

Les entreprises faisant l'objet d'une réintégration au titre du dispositif de lutte contre la sous-capitalisation doivent joindre à leur déclaration de résultat un état de suivi 2900-SD. Cet état doit être joint y compris les années suivantes, tant que l'entreprise dispose d'intérêts différés à reporter.

Des dispositions spécifiques s'appliquent en cas de groupe intégré fiscalement. Dans ce cas, l'imprimé 2901-SD est à remplir.

Exemple (applicable jusqu'en 2018)

Exercice N

Au titre de l'exercice N, on constate les éléments comptables suivants :

Intérêts déductibles (taux conforme au TMPV) versés à des entreprises liées : 430.000 €

Montant moyen des avances consenties par des sociétés liées : 13.000.000 €

Capitaux propres : 2.000.000 €

Résultat courant avant impôt : 350.000 €

Amortissements (hors amortissements dérogatoires) : 220.000 €

Intérêts reçus par des entreprises liées : 177.000 €

On considère dans cet exemple que le ratio d'endettement global de l'entreprise est inférieur au ratio d'endettement global du groupe.

Le montant des intérêts dus à des entreprises liées (430.000 €) dépasse le plafond des 3 ratios. L'entreprise est donc sous-capitalisée.

État de suivi 2900-SD de N

Quotité intérêts différés au titre de l'exercice

a. Intérêts déductibles versés à des entreprises liées ou rémunérant des emprunts garantis par des sociétés liées au titre de l'exercice 

430 000

b. Moyenne des sommes mises à disposition par des entreprises liées au titre de l'exercice 

13 000 000

c. Montant des capitaux propres au début ou à la fin de l'exercice

2 000 000

d.  Ratio d'endettement (a) X [ 1,5 X (c) / (b)] 

99 231

e. Résultat courant avant impôt de l'exercice 

350 000

f. Dotations aux amortissements de l'exercice et quote-part de loyer de crédit-bail prise en compte dans le prix de levée d'option 

220 000

g.  Ratio de couverture d'intérêts 25 % X [(e) + (f) + (a)] 

250 000

h.  Ratio d'intérêts servis par des entreprises liées (76) 

177 000

i. Montant le plus élevé des trois ratios [(d) ou (g) ou (h)] 

250 000

j. Fraction des intérêts différés au titre de l'exercice (a) - (i) [ si (j) < 150 000 €, indiquer 0] 

180 000


Au titre de l'exercice N, l'entreprise va devoir procéder à une réintégration extra-comptable de 180.000 €.

Tableau d'analyse :

Ratio d'endettement

Le ratio d'endettement (d.) est inférieur aux intérêts versés (430.000 €). Le ratio n'est donc pas respecté.

On peut également l'exprimer par le calcul suivant : 2.000.000 / 13.000.000 = 6,5 (soit bien plus que la limite de 1,5).

Ratio de couverture d'intérêts

Le ratio de couverture d'intérêts (g.) est inférieur aux intérêts versés (430.000 €). Le ratio n'est donc pas respecté.

On peut également l'exprimer par le calcul suivant : 430.000 / (350.000 + 220.000 + 430.000) = 43% soit bien plus que la limite de 25%.

Ratio d'intérêts servis par des entreprises liées

Les intérêts versés (430.000) sont supérieurs aux intérêts reçus (177.000). Le ratio n'est donc pas respecté.


Exercice N+1

En N + 1, des remboursements d'avances aux entreprises liées à hauteur de 3.000.000 € entraînent une réduction des intérêts versés et une augmentation du résultat courant avant impôt.

Les données de N+1 sont les suivantes :

Intérêts déductibles (taux conforme au TMPV) versés à des entreprises liées : 300.000 €

Montant moyen des avances consenties par des sociétés liées : 10.000.000 €

Capitaux propres : 2.000.000 €

Résultat courant avant impôt : 750.000 €

Amortissements (hors amortissements dérogatoires) : 220.000 €

Intérêts reçus par des entreprises liées : 177.000 €

État de suivi 2900-SD de N + 1

Quotité intérêts différés au titre de l'exercice

a. Intérêts déductibles versés à des entreprises liées ou rémunérant des emprunts garantis par des sociétés liées au titre de l'exercice (a) 

300 000

b. Moyenne des sommes mises à disposition par des entreprises liées au titre de l'exercice 

10 000 000

c. Montant des capitaux propres au début ou à la fin de l'exercice 

2 000 000

d. Ratio d'endettement (a) X [ 1,5 X (c) / (b)] 

90 000

e. Résultat courant avant impôt de l'exercice 

750 000

f. Dotations aux amortissements de l'exercice et quote-part de loyer de crédit-bail prise en compte dans le prix de levée d'option 

220 000

g. Ratio de couverture d'intérêts 25 % X [(e) + (f) + (a)] > 160 000 Pas de sous cap

317 500

h. Ratio d'intérêts servis par des entreprises liées 

177 000

i. Montant le plus élevé des trois ratios [(d) ou (g) ou (h)] 

317 500

j. Fraction des intérêts différés au titre de l'exercice (a) - (i) [ si (j) < 150 000 €, indiquer 0] 

0

Suivi des intérêts différés

k. Stock d'intérêts différés à l'ouverture de l'exercice créés au titre du dernier exercice clos N- 1

180 000

l. Stock d'intérêts différés à l'ouverture de l'exercice créés antérieurement au titre du dernier exercice clos

0

m. Montant de la décote (l X 5 %) 

-

n. Stock d'intérêts différés restant à imputer après décote à l'ouverture de l'exercice (k) + (l) - (m) 

180 000

o. Plafond d'intérêts différés imputables au titre de l'exercice = (g) - (a) [si (o) < 0, indiquer 0] 

17 500

p. Montant d'intérêts différés issus d'exercices antérieurs et imputés au titre de l'exercice 

17 500

q. Stock d'intérêts différés à la clôture de l'exercice = (n) + (j) - (p)  170.000 - 162.500

162 500


On constate ici que le ratio de couverture des intérêts est respecté (g = 317.500 ce qui est inférieur à 300.000). Pour ce ratio on obtient 23,6% soit moins que 25%. L'entreprise n'est donc plus sous-capitalisée.

La déduction des intérêts différés est limitée à 17.500 € soit 180.000 - 162.500. En N+1, l'entreprise devra opérer une déduction extra-comptable de 17.500 €. En N + 2, elle subira la décote de 5 % sur les 162.500 € qu'il reste à imputer.