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Certaines SCI mettent à disposition de leurs associés, un immeuble inscrit à leur actif, afin que ceux-ci puissent bénéficier d'un déficit imputable. Ce montage est constitutif, pour l'administration, d'un abus de droit. Le comité de l'abus de droit est venu confirmer la position de l'administration dans plusieurs décisions.
Le montage incriminé
Dans certaines hypothèses, une SCI peut donner à louer à un ou plusieurs associés, un immeuble inscrit à son actif. Ce schéma permet de déduire l'ensemble des charges afférentes à cet immeuble (intérêts d'emprunt, travaux...) et de générer un déficit qui sera appréhendé par les associés du fait de la translucidité fiscale.
Exemple
Une SCI a deux associés X et Y détenant chacun 50% de ses parts. L'immeuble inscrit à son actif est donné à louer à X moyennant le paiement d'un loyer annuel de 5000 euros. Au cours d'une année, 30 000 euros de charges sont déduits et ainsi, un déficit de 25 000 euros est constaté.
Ce déficit est réparti entre les deux associés, qui sont seuls redevables de l'impôt du fait de la translucidité de la société.
L'avis de l'administration
L'administration considère qu'un tel montage n'a pour effet que de réduire la charge fiscale et la procédure de l'abus de droit peut donc être mise en œuvre.
Il fait échec aux dispositions du II de l'article 15 du CGI, qui dispose que les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu et qui, incidemment, interdit à celui-ci de déduire les charges afférentes à ces logements.
La création d'une SCI permet dans ce cas de contourner cette règle de non déductibilité.
L'avis du Comité de l'abus de droit
Dans des avis du 15 octobre 2015, le comité de l'abus de droit a donné raison à l'administration.
Voici l'un des avis du comité (affaire n°2015-05) :
La société civile immobilière (SCI) de gestion E a été créée le 17 juin 1984 entre Madame D, sa gérante, qui détient 91 parts, et ses trois enfants majeurs qui détiennent chacun trois parts. Le 19 juin 2012, Mme D a donné à ses enfants la nue-propriété indivise de ses 91 parts.
Après avoir cédé l’immeuble qu’elle possédait le 28 décembre 2006, la SCI E a fait l’acquisition le 17 janvier 2008 d’un ensemble immobilier situé dans les Alpes–Maritimes. Cet ensemble est constitué d’un mas provençal d’une surface habitable de 350 m2 environ, d’une piscine et d’un bâtiment annexe à celle-ci, d’un terrain de tennis et d’un terrain de pétanque ainsi que d’un jardin et d’une serre.
Le prix d’acquisition de cet ensemble immobilier, soit 2 050 000 euros, a été financé par un emprunt bancaire à hauteur de 1 400 000 euros et complété par un apport personnel de Mme D de 650 000 euros. Depuis l’acquisition de cette propriété, les résultats de la SCI E, qui n’a pas opté pour son assujettissement à l’impôt sur les sociétés, sont imposés dans la catégorie des revenus fonciers au nom de ses associés au prorata de leurs droits dans cette société de personnes. La société a déclaré au titre des années 2010, 2011 et 2012 des résultats fonciers déficitaires, s’élevant respectivement à 76 011 euros, 55 677 euros et 36 907 euros.
En effet, les charges déclarées, constituées principalement des intérêts de l’emprunt souscrit pour l’acquisition de la propriété, ont excédé largement les recettes locatives. Celles-ci correspondent à des loyers facturés en 2011 à Mme D pour un montant total de 10 000 euros, ainsi qu’en 2010 à la SCI X et en 2012 à la SCI Y, ces ceux sociétés étant également détenues par Mme D et ses trois enfants, pour un montant total respectif de 9 500 euros et 15 680 euros.
Par une proposition de rectification en date du 1er octobre 2013, l’administration a remis en cause les déficits fonciers déclarés par la SCI E au titre de ces trois années en mettant en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales. Elle a estimé que la location de la propriété située dans les Alpes-Maritimes par la SCI E à Mme D et aux SCI X et Y n’avait eu d’autre but que de permettre à Mme D l’imputation des charges foncières de cette propriété, dont elle avait conservé la jouissance, sur les revenus fonciers retirés par M. et Mme D à raison d’autres immeubles et ainsi de faire échec aux dispositions du II de l’article 15 du code général des impôts.
En vertu de ces dispositions, les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. Par voie de conséquence, les contribuables bénéficiaires de cette exonération ne sont pas autorisés à déduire de leurs revenus fonciers compris dans le revenu global les charges afférentes à ces logements.
Le Comité a entendu ensemble les conseils de la SCI E ainsi que les représentants de l’administration. Le Comité considère que les documents produits ne permettent pas de démontrer la volonté réelle des associés de la SCI E de louer à des tiers l’unique propriété qu’elle possède. Il relève que les seules locations effectives ont été consenties à Mme D et à deux SCI appartenant à la famille D et qui n’ont pas pour objet social la location d’immeubles.
Le Comité relève également que le montant des loyers facturés est très inférieur aux tarifs mentionnés dans le mandat de location donné à une agence immobilière, tarifs dont il n’est pas contesté qu’ils étaient réputés correspondre aux prix du marché eu égard à l’état d’entretien du bien immobilier.
Le Comité en déduit que la facturation de loyers par la SCI E à Mme D et aux SCI X et Y a été réalisée dans le seul but de faire échec aux dispositions du II de l’article 15 du code général des impôts en permettant à M. et Mme D de déduire abusivement de leurs revenus fonciers et de leur revenu global les charges afférentes à un logement dont la SCI E a laissé la jouissance à ses associés. Le Comité émet en conséquence l’avis que l’administration était fondée à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal prévue par l’article L. 64 du livre des procédures fiscales.