Renforcement du contrôle des prix de transfert des entreprises multinationales

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Bénéfice imposable

L’actualité BOFiP du 10 décembre 2025 revient sur la mise en œuvre de l’article 116 de la loi de finances pour 2024, qui durcit sensiblement le contrôle des prix de transfert des groupes multinationaux. Ces mesures renforcent à la fois les obligations documentaires et les pouvoirs de rectification de l’administration fiscale.

Renforcement du contrôle des prix de transfert des entreprises multinationales
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Notion de prix de transfert

Les prix de transfert sont les conditions financières (prix, marges, redevances) appliquées aux opérations intragroupes établies dans différents États, et doivent être fixés conformément au principe de pleine concurrence tel que décliné par l’OCDE.

En droit interne, ces règles s’inscrivent notamment dans le cadre de l’article 57 du CGI, qui permet de corriger les transferts indirects de bénéfices à l’étranger entre entreprises dépendantes.

Abaissement du seuil et durcissement des sanctions documentaires

L’article 116 de la loi de finances pour 2024 abaisse à 150 millions € de chiffre d’affaires annuel hors taxes le seuil de déclenchement de l’obligation documentaire prévue à l’article L. 13 AA du LPF, contre 400 millions d’euros auparavant. Un plus grand nombre de groupes, y compris des ETI (entreprises de taille intermédiaire), se trouvent ainsi soumis à l’obligation de formaliser une documentation complète de leur politique de prix de transfert.

Parallèlement, le montant minimal de l’amende pour défaut de présentation de cette documentation (article 1735 ter du CGI) est porté à 50.000 €, renforçant le caractère dissuasif du dispositif. La documentation mise à la disposition de l’administration devient en outre opposable aux entreprises au titre de l’article 57 du CGI, ce qui facilite les redressements lorsque les pratiques réelles s’écartent des politiques déclarées.

Actifs difficiles à évaluer : une nouvelle procédure de rectification

Afin d’aligner le droit interne sur les principes OCDE, l’article 116 instaure, à l’article 238 bis‑0 I ter du CGI, une procédure spécifique de rectification de la valeur des actifs incorporels dits « difficiles à évaluer » (hard‑to‑value intangibles). Sont visés notamment les actifs incorporels pour lesquels l’information disponible au moment du transfert est limitée ou hautement incertaine (par exemple des brevets en développement ou des plateformes numériques en phase de lancement), rendant la détermination d’un prix conforme au principe de pleine concurrence particulièrement délicate.

Dans ce cadre, l’administration peut reconstituer la valeur de ces actifs à postériori à partir des résultats effectivement constatés, sauf si le contribuable démontre que l’écart avec les hypothèses initiales résulte d’évènements imprévisibles ou d’informations non disponibles au moment de la transaction.

Allongement du délai de reprise et exception à la non‑réitération du contrôle

L’article L. 171 B du LPF, créé ou modifié par l’article 116, prévoit un allongement du délai de reprise pour les transferts d’actifs incorporels entrant dans le champ des actifs difficiles à évaluer. Ce délai, qui s’inscrivait dans le cadre de la prescription de droit commun (en principe trois ans, porté à six ans dans certains cas), peut désormais être prolongé jusqu’à dix ans pour ces opérations complexes, rapprochant la France des standards internationaux en matière de contrôle des actifs intangibles.

Corrélativement, l’article L. 51, 8° du LPF instaure une exception à la garantie de non‑renouvellement de la vérification de comptabilité lorsque l’administration met en œuvre ce délai de reprise allongé. En pratique, une entreprise peut donc faire l’objet d’un nouveau contrôle ciblé sur les transferts d’actifs incorporels déjà examinés, si des éléments nouveaux liés à l’évolution des résultats ou de la valorisation postérieurement observée le justifient.

Source : Actualité BOFiP du 10 décembre 2025