TVA sur la marge et œuvres d’art

Jurisprudence
Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA)

Dans une récente décision, le Conseil d’État s’est prononcé sur l’application du régime de la TVA sur la marge sur œuvres d’art en cas de livraison par des assujettis-revendeurs d’objets d’art qui leur ont été livrés par l’auteur agissant au travers d’une personne morale (Conseil d’État, 10 décembre 2025, n°465963).

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Contexte de l'affaire

Les faits du litige

Une société exerçant une activité de galerie d’art a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2014. À l’issue du contrôle, l’administration fiscale a remis en cause l’application du régime de la TVA sur la marge bénéficiaire à la revente de tableaux acquis auprès d’une société de droit britannique. Estimant que les conditions légales n’étaient pas réunies, l’administration a procédé à des rappels de TVA assortis de pénalités.

La demande de décharge formée par la société a été rejetée par le tribunal administratif de Paris (25 novembre 2020), puis par la cour administrative d’appel de Paris (1er juin 2022). Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État a, par une décision du 18 juin 2024, sursis à statuer et renvoyé à la Cour de justice de l’Union européenne plusieurs questions préjudicielles relatives à l’interprétation des dispositions de la directive TVA concernant les œuvres d’art. À la suite de la réponse apportée par la CJUE, le Conseil d’État s’est prononcé.

Le régime de la TVA sur la marge applicable aux œuvres d’art

Le régime de la TVA sur la marge constitue un régime particulier applicable aux assujettis-revendeurs de biens d’occasion, d’œuvres d’art, d’objets de collection ou d’antiquité. En droit interne, l’article 297 A, I-1° du CGI prévoit que la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat lorsque les biens ont été acquis auprès de personnes non redevables de la TVA ou n’ayant pas été autorisées à la facturer.

S’agissant plus spécifiquement des œuvres d’art, l’article 297 B du CGI permet aux assujettis-revendeurs d’opter pour ce régime lorsque les opérations en amont – importation, acquisition intracommunautaire ou livraison – ont été soumises au taux réduit de TVA prévu à l’article 278 septies du CGI, notamment pour les livraisons effectuées par l’auteur ou ses ayants droit.

La décision du Conseil d’État

Tirant les conséquences de l’arrêt de la CJUE rendu sur renvoi préjudiciel, le Conseil d’État juge que la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit. En effet, pour écarter l’application du régime de la TVA sur la marge, la cour s’était bornée à constater que la société ne pouvait être regardée comme l’auteur des œuvres, sans rechercher si la livraison litigieuse pouvait néanmoins être attribuée à l’auteur agissant par l’intermédiaire de cette personne morale.

Or, selon la CJUE, une telle livraison relève de l’article 316, §1, b) de la directive TVA dès lors que deux conditions cumulatives sont réunies :

  • d’une part, la personne morale a été constituée par l’auteur ou ses ayants droit aux fins de la commercialisation des œuvres, rendant la livraison juridiquement attribuable à ceux-ci ;
  • d’autre part, cette livraison constitue la première introduction des œuvres sur le marché de l’Union européenne.

Faute d’avoir procédé à cette double vérification, la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit, justifiant son annulation.

Source : Conseil d’État, 10 décembre 2025, n°465963

Cour de cassation du

Cette décision apporte une clarification importante quant à l’application du régime de la TVA sur la marge aux œuvres d’art transitant par des structures sociétaires créées par les artistes eux-mêmes. Elle confirme que l’interposition d’une personne morale n’exclut pas, par principe, l’assimilation de la livraison à une livraison par l’auteur, sous réserve d’une analyse économique et fonctionnelle de l’opération.