Réduction de capital non motivé par des pertes : revenus distribués ou plus-value ?

Jurisprudence
Impôt sur le revenu - IRPP

Le Conseil d’Etat s’est récemment prononcé sur la qualification fiscale d’une réduction d’impôt non motivée par des pertes (Conseil d’Etat, n°495120, 15 octobre 2025).

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Contexte de l'affaire

Le litige

Une SARL avait, lors d’une assemblée générale extraordinaire du 17 octobre 2016, décidé de réduire son capital social par rachat de 158 parts sur 500, immédiatement annulées. Le prix de rachat fut imputé à la fois sur le capital et sur les réserves distribuables, l’opération étant placée sous le régime fiscal des plus-values prévu au 6° de l’article 112 du Code général des impôts (CGI).
À la suite d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale a requalifié la réduction de capital en distribution de revenus, soumettant la société au prélèvement forfaitaire non libératoire de 21 % (taux applicable à l’époque) de l’article 117 quater du CGI ainsi qu’aux contributions sociales correspondantes.
Déboutée tant par le tribunal administratif de la Martinique (jugement du 12 mai 2022) que par la cour administrative d’appel de Bordeaux (arrêt du 16 avril 2024), la société a formé un pourvoi en cassation. Elle soutenait que l’administration avait méconnu le régime distinct applicable aux rachats de parts prévu au 6° de l’article 112 du CGI, peu importe le financement de l’opération par prélèvement sur les réserves.

Le régime des revenus distribués et des réductions de capital

Le 1° de l’article 112 du CGI considère comme non imposables les répartitions constituant des remboursements d’apports ou de primes d’émission, à condition que les bénéfices et réserves autres que la réserve légale aient été antérieurement répartis.
En revanche, depuis la réforme issue de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2014, le 6° du même article distingue expressément les sommes attribuées lors du rachat par une société de ses propres titres suivie de leur annulation : ces montants relèvent désormais du régime des plus-values, selon les articles 39 duodecies, 150‑0 A ou 150 UB du CGI. Ce régime, plus favorable que celui des revenus distribués, s’applique quelle que soit la motivation du rachat et indépendamment de l’origine comptable des fonds utilisés, notamment lorsque ces derniers proviennent de bénéfices ou de réserves. L’administration fiscale a considéré toutefois à plusieurs reprises et notamment pour cette affaire que cette pratique constituait un abus de droit.

La décision du Conseil d’État

Par sa décision du 15 octobre 2025 (n° 495120), le Conseil d’État annule l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux pour erreur de droit. La Haute juridiction rappelle que les sommes reçues lors du rachat de parts sociales doivent être imposées selon le régime des plus-values, sans que le motif du rachat ni le financement sur des réserves aient d’incidence. En jugeant au contraire qu’il s’agissait de revenus distribués faute de réduction de capital motivée par des pertes ou de répartition préalable des réserves, la cour a méconnu la portée du 6° de l’article 112. Le Conseil d’État prononce donc la décharge intégrale du prélèvement forfaitaire et des contributions sociales mise à la charge de la société.

Source : Conseil d’État, 9e ch., 15 octobre 2025, n° 495120

Cour de cassation du

Cette décision clarifie définitivement le régime fiscal applicable aux réductions de capital non motivées par des pertes. Le Conseil d’État consacre une lecture littérale de l’article 112 (6° CGI), écartant toute requalification en revenus distribués fondée sur l’origine du financement. Ces opérations relèvent du régime des plus ou moins-values de cession.