Bâtir un budget et des comptes prévisionnels

Direction
Fiche pratique

Il est rare de voir un entrepreneur piloter son entreprise à l’instinct. Créer et développer une entreprise va de pair avec des plans stratégiques, des prévisions financières et de plans d’actions. Ces différents documents sont destinés à préciser les objectifs et les moyens d’action de l’entreprise.

Cet article a été publié il y a 6 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Accès à votre contenu
même hors ligne

Télécharger maintenant

Il est rare de voir un entrepreneur piloter son entreprise à l’instinct. En l’absence de marges extraordinaires et d’une trésorerie abondante, l’absence de pilotage budgétaire peut aboutir à des situations dramatiques.

De fait, créer et développer une entreprise va de pair avec des plans stratégiques, des prévisions financières et de plans d’actions. Ces différents documents sont destinés à préciser les objectifs et les moyens d’action de l’entreprise. L’horizon temporel de ces différents plans varie, du plus proche au plus lointain.

Un budget est généralement établi sur un an, tandis qu’un plan marketing pourra de déployer sur deux ans pour accompagner le développement technique et commercial de nouvelles offres. Enfin, un plan de développement est généralement bâti sur un horizon de trois à cinq ans.

Dwight Eisenhower, président des Etats-Unis entre 1953 et 1961 a parfaitement résumé l’importance et les limites du processus de planification via l’aphorisme : « Plans are nothing, planning is everything ».

En matière économique et financière, un plan peut sembler utopique puisque la plupart des observateurs savent pertinemment qu’il ne se réalisera quasiment jamais comme prévu.

Le processus de planification est pourtant essentiel puisqu’il a l’immense mérite d’associer plusieurs responsables à la définition des objectifs. Ce faisant, cette démarche permet de partager une vision et de s’accorder sur la stratégie et les plans d’action.

Le budget, le plan marketing et le plan de développement (business plan) se prêtent idéalement à cette démarche itérative et collective. A contrario, un business plan cohérent mais rédigé par un entrepreneur seul aurait fort peu de chances d’être mis en œuvre faute d’adhésion de l’ensemble de l’équipe dirigeante de l’entreprise. Le même constat s’applique a fortiori au budget, puisque celui-ci répartit des ressources rares (notamment financières) entre plusieurs fonctions. Un budget matérialise des objectifs de chiffre d’affaires et de rentabilité et traduit en filigrane des efforts qui seront d’autant plus volontiers consentis que les équipes concernées auront été associées tant à la définition des objectifs que des moyens.

Le business plan : outil stratégique et financier

Le plan de développement, ou business plan, résume généralement en une quinzaines de « slides » et au maximum une vingtaine de pages l’ensemble du projet d’entreprise.

Il existe plusieurs variantes de business plan : celle que vous adopterez mettra l’accent sur les dimensions essentielles de votre projet d’entreprise. Pour autant, votre business plan intégrera très probablement les éléments suivants :

  • Besoin ciblé, offre et proposition de valeur.
  • Management et organisation.
  • Marché, clientèle visée et stratégie commerciale.
  • Concurrence et avantages concurrentiels.
  • Propriété intellectuelle et autres actifs.
  • Etapes de développement et planning prévisionnel.
  • Prévisions financières et financements requis.

Les prévisions financières constituent la traduction chiffrée du business plan. Elles sont généralement résumées assez succinctement, les comptes détaillés étant fournis en annexe.

Pour établir vos comptes prévisionnels, vous pouvez procéder de la manière suivante :

  • Analysez votre marché ainsi que les offres en présence sur le ou les segments que vous visez, définissez vos objectifs et votre stratégie de développement.
  • Segmentez votre offre en un nombre limité de produits et/ou de services puis effectuez des prévisions de ventes et de marge brute sur chaque segment.
  • Présentez les compétences et les profils nécessaires au développement votre entreprise : effectifs techniques, commerciaux et administratifs, et calculez la masse salariale correspondante.
  • Estimez les investissements requis, tant au niveau des immobilisations incorporelles (brevets, marques…), des immobilisations corporelles (équipement) et des immobilisations financières.
  • Prévoyez les principales charges externes, comme les loyers, les honoraires et les dépenses publicitaires et promotionnelles.
  • Estimez les délais de règlement de vos clients et de vos fournisseurs, ainsi que le niveau moyen de stocks requis… ces paramètres impactant directement votre besoin en fonds de roulement.
  • Si nécessaire, équilibrez votre plan de financement avec les ressources requises : capital, dettes, subventions et avances remboursables...
  • Analysez les ratios d’exploitation en regard des standards de votre secteur affinez vos prévisions si nécessaire.

 

Le plan marketing : zoom sur les objectifs et les moyens commerciaux

Le rêve de tout chef d’entreprise est de créer une « pompe à prospects », un ensemble d’actions commerciales et marketing permettant de toucher des clients et de les fidéliser au meilleur coût.

A l’instar de la réalisation d’un business plan et de l’élaboration d’un budget, le processus qui aboutit à la formulation du plan marketing est aussi important que le plan lui-même : c’est à la fois un exercice de cohérence et un arbitrage sur les ressources qui doit impliquer l’ensemble des responsables de l’entreprise, faute de quoi votre vision et vos plans d’actions risquent fort de ne pas être partagés et encore moins mis en œuvre… Au-delà de la qualité de vos produits et/ou services, votre budget a peu chance d’être atteint si vous ne parvenez pas à créer cette fameuse pompe à prospects et à transformer l’essai, via un site Internet efficace, une force de vente dédiée (si nécessaire) et un service clients irréprochable.

Le plan marketing va donc recenser et répartir dans le temps les principales actions requises pour atteindre vos objectifs commerciaux. Un tel document est essentiel pour crédibiliser votre business plan en expliquant comment vous allez concrètement réaliser vos futures ventes.

Les principales étapes d’élaboration du plan marketing sont les suivantes :

  • Segmentation de l’offre pour chaque segment, définition des objectifs et des moyens requis : définition des segments prioritaires ; estimation de la taille de chaque segment et de son potentiel de croissance ; détermination, pour chaque couple produit/marché, d’objectifs de ventes et de part de marché ; spécification des moyens marketing requis, des effectifs commerciaux et des coûts correspondants. Le tout aboutit à des prévisions de marges sur coûts directs pour chacun des segments visés.
  • Détermination des moyens commerciaux et marketing : site Internet ; brochures et fiches-produits ; outils de démonstration ; mailings et E-mailings ; séminaires et événements spécifiques ; prospection externalisée et autres actions de marketing opérationnel ; salons professionnels et congrès ; relations publiques et relations presse ; référencement web, publicité et achat d'espace…
  • Consolidation des prévisions de ventes et planification des actions dans le temps : dépenses marketing et commerciales cumulées, charges salariales incluses ; marges sur coûts directs ; planification mensuelle des principales actions commerciales et marketing.

Si ce travail de réflexion et de planification est bien fait, votre entreprise y gagnera en efficacité commerciale. Cette efficacité peut notamment s’apprécier via l’évolution d’un indicateur clé aux yeux des professionnels du capital-risque : le coût d’acquisition client (ou CAC), qui se calcule en divisant l’ensemble de vos dépenses marketing et commerciales par le nombre de commandes.

 

Le budget : prévisions de recettes et de dépenses pour l’année à venir

Le budget prévisionnel stricto sensu est un document comptable qui présente, de manière mensuelle, trimestrielle, semestrielle et annuelle, vos prévisions de recettes (chiffres d’affaires, subventions et autres produits d’exploitation) et de dépenses (coûts des ventes, charges externes, charges salariales, impôts et taxes… sans oublier le budget d’investissement). Cette projection financière, qui se limite à l’exercice à venir, est généralement plus détaillée que le volet financier du business plan, dont l’horizon est de 3 ans voire de 5 ans et où des prévisions mensuelles deviennent très vite illusoires.

Le travail d’élaboration d’un budget permet de répondre à plusieurs questions essentielles, qui vont au-delà de la dimension strictement comptable d’un tel document :

  • Quel est notre marché et quels sur quels segments allons-nous nous positionner ?
  • Quelles offres (produits et services) devons-nous développer en conséquence ?
  • Quels sont nos objectifs en termes de volumes de vente, de CA et de part de marché ?
  • Quels sont nos coûts directs et quels sont les effectifs requis ?
  • De quels investissements (corporels, incorporels et financiers) avons-nous besoin ?
  • Quelles charges externes faut-il prévoir, notamment les dépenses promotionnelles ?
  • Quelles sont en définitive les principales hypothèses pour la réalisation de ce budget ?

 

Ces questions en appellent bien d’autres, car développer une entreprise est autant une affaire de choix que d’analyse économique et financière. La vertu essentielle du budget, du plan marketing et des prévisions pluriannuelles du business plan est de débattre de nombreuse questions techniques, commerciales, stratégiques et financières, notamment :

  • Comme se développer à l’international : via des agents commerciaux, des filiales ou des Joint-Ventures… ?
  • Notre rentabilité prévisionnelle est-elle comparable aux leaders du secteur ? Comment expliquer les éventuels écarts ?
  • Pouvons-nous améliorer notre marge brute ? A contrario, quel est le risque de dégradation de cette marge ?
  • Quelles sont les économies d’échelles liées à l’accroissement des volumes de vente ?
  • Nos ratios sont-ils similaires aux standards de notre secteur : R&D, coûts de production, coûts commerciaux, frais généraux…
  • Les ratios financiers sont-ils également standards : rentabilité financière, niveau des dettes rapportées aux fonds propres, frais financiers/EBE … ?
  • Quels paramètres ont le plus grand impact sur notre rentabilité ?
  • Quelles sont les opportunités et les menaces liées à la conjoncture ?
  • Devons-nous procéder à des acquisitions de concurrents et/ou d’entreprises complémentaires ?
  • Pouvons-nous nous différencier sur certains segments de marché ? Quelles sont au demeurant les sources de différenciation ?
  • Quels profils devons-nous recruter ? Comment former et motiver nos collaborateurs ?
  • Quelles sont les synergies entre nos activités actuelles et d’éventuelles diversifications ?
  • Quels mécanismes financiers peuvent assurer la liquidité des actionnaires actuels ?
  • Quelle est la valeur stratégique et financière de notre entreprise à terme ?

 

On en revient à l’aphorisme d’Eisenhower: « Plans are nothing, planning is everything »… L’élaboration de comptes prévisionnels constitue bel et bien une occasion unique de prendre du recul et de vous poser, avec vos associés et vos proches collaborateurs, des questions essentielles sur le développement de votre entreprise.

Votre Expert-Comptable et/ou vos conseillers financiers peuvent naturellement vous accompagner dans l’élaboration de tels documents : au-delà de leur expertise financière, ils peuvent, en posant les bonnes questions, vous aider à clarifier vos objectifs stratégiques.

 

Bonne chance pour l’élaboration de vos différents prévisionnels !

 

Étienne Krieger, diplômé d’HEC et docteur ès sciences de gestion à l’Université Paris-Dauphine, est entrepreneur et enseignant à HEC Paris. Professeur Affilié à HEC Paris et Directeur Académique de plusieurs programmes d’entrepreneuriat et d’innovation, il a accompagné plus de 800 créateurs et dirigeants d’entreprises innovantes. Il est président du Club Challenge +, association regroupant une centaine de dirigeants d’entreprises innovantes. C’est également le référent d’HEC au sein du fonds d’amorçage Paris Saclay Seed Fund, créé à l’initiative d’HEC et de Polytechnique. Il est cofondateur, administrateur et/ou conseiller de plusieurs entreprises technologiques. Coauteur de l'ouvrage "De l'entreprise traditionnelle à la start-up", il a publié de nombreux articles sur le thème de l’innovation, de la confiance et du financement des jeunes entreprises.

Accès à votre contenu
même hors ligne


ou
ou

Réagir à cet article

Avez-vous trouvé cet article utile ?
Note actuelle
(2 votes)
Votre note :
Commentaires
CM
Chars Marc
Merci de cet article

Votre commentaire sera publié après connexion.

Une question sur cet article ?
Les questions liées sur le forum

Aucune question en rapport sur le forum.