Déduction fiscale pour acquisition d'œuvres d'art

Impôt sur les sociétés
Fiche pratique

L'article 238 bis AB du CGI permet aux entreprises d'acquérir des œuvres d'art et d'opérer une déduction fiscale pour leur valeur, étalée sur 5 ans. Ce dispositif a pour objectif d'encourager le mécénat. Il permet aux entreprises de réduire en contrepartie leur impôt sur les bénéfices. Plusieurs conditions doivent être remplies pour pouvoir bénéficier de la mesure.

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Entreprises éligibles à la déduction fiscale

Peuvent bénéficier de cette déduction fiscale,  les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés et les sociétés qui relèvent du régime fiscal des sociétés de personne quelle que soit la nature de l'activité exercée.

Le bénéfice de la mesure est conditionné à la constitution d'une réserve spéciale au passif du bilan de l'entreprise. En conséquence, les entreprises qui juridiquement n'ont pas à produire de bilan ne peuvent profiter de ce dispositif.  C'est le cas notamment des professions libérales relevant dans le cadre de l'impôt sur le revenu de la catégorie des bénéfices non commerciaux (réponse Foulon n°74082 du 10 mars 2015).

Ce régime de faveur est ouvert aux acquisitions d'oeuvre réalisées jusqu'au 31 décembre 2022. 

Œuvres et instruments éligibles à la déduction fiscale

Pour bénéficier de la déduction fiscale, les entreprises doivent faire l'acquisition d'œuvres d'artistes vivants ou d'instruments de musique et les exposer dans un lieu accessible au public ou aux salariés.

Les œuvres d'artistes vivants

Les œuvres originales d'artistes vivants pouvant bénéficier de la mesure sont définies dans la documentation fiscale. Les tableaux, peintures, gravures, sculptures et tapisseries sont notamment concernées. Les oeuvres d'art numéeriques ne sont cependant pas éligibles (réponse Genevard n°22584, JO 12 janvier 2021).

Extrait BOFiP (BOI-BIC-CHG-70-10 §20)

Les œuvres concernées sont celles qui sont définies à l'article 98 A de l'annexe III au CGI. Il s'agit :

  • des tableaux, peintures, dessins, aquarelles, gouaches, pastels, monotypes, entièrement exécutés de la main de l'artiste ;
  • des gravures, estampes et lithographies, tirées en nombre limité directement de planches entièrement exécutées à la main par l'artiste, quelle que soit la matière employée ;
  • des productions en toutes matières de l'art statuaire ou de la sculpture et assemblages, dès lors que ces productions et assemblages sont exécutés entièrement de la main de l'artiste, à l'exclusion des articles de bijouterie, d'orfèvrerie et de joaillerie ;
  • des fontes de sculpture à tirage limité à huit exemplaires et contrôlé par l'artiste ou ses ayants-droit ;
  • des tapisseries tissées entièrement à la main, sur métier de haute ou de basse lisse, ou exécutées à l'aiguille, d'après maquettes ou cartons d'artistes, et dont le tirage, limité à huit exemplaires, est contrôlé par l'artiste ou ses ayants droit ;
  • des exemplaires uniques de céramique, entièrement exécutés de la main de l'artiste et signés par lui ;
  • des émaux sur cuivre, entièrement exécutés à la main, dans la limite de huit exemplaires numérotés et comportant la signature de l'artiste, à l'exclusion des articles de bijouterie, d'orfèvrerie et de joaillerie.

Les productions artisanales ou de série ainsi que les œuvres exécutées par des moyens mécaniques ou photomécaniques ne constituent pas des œuvres originales.

Les instruments de musique

La loi n° 2003-709 du 1er août 2003 a étendu cette mesure aux entreprises qui achètent des instruments de musique et s’engagent à les prêter à titre gratuit aux artistes-interprètes qui en font la demande.

La notion d'artistes-interprètes est précisée par l'administration fiscale.

Extrait BOFiP (BOI-BIC-CHG-70-10 §70)

Sont considérés comme artistes-interprètes :

- les personnes qui suivent une formation musicale dans un établissement ou une école visée ci-après ou qui ont une qualification musicale d’un diplôme correspondant à un cycle 3 de conservatoire national de région ou d’école nationale de musique ou d’un équivalent européen. Les étudiants et anciens étudiants des conservatoires nationaux supérieurs de musique de Paris et de Lyon sont réputés remplir ces conditions de niveau ;

- les personnes qui exercent, à titre professionnel, une activité d’artiste-interprète.

Conditions de déduction

Œuvres d'artistes vivants

Conditions

Précisions

Exposition au public

Obligation d'exposition de l'œuvre, à titre gratuit, dans un lieu accessible au public soit :

  • dans les locaux de l’entreprise (à l'exclusion des bureaux des salariés) ou lors de manifestations organisées par elle. L’œuvre ne doit pas être située dans un lieu réservé à un groupe restreint de personnes. Les salariés, les clients, et le public en général doivent pouvoir y avoir accès. Le bien doit être exposé pendant toute la période de 5 ans.
  • dans un musée auquel le bien est mis en dépôt,
  • par une région, un département, une commune ou un de leurs établissements publics.

Information du public

L'entreprise a l'obligation d'informer le public du lieu d'exposition du bien et de la possibilité d'y accéder sans restriction. Les moyens promotionnels et de communication utilisés par l'entreprise doivent être appropriés au public et adaptés à l'importance de l'œuvre.

Durée d'exposition

L'œuvre doit être exposée au minimum pendant 5 ans (exercice d’acquisition + les 4 années suivantes).

Inscription en immobilisation

L'œuvre doit être enregistrée dans la comptabilité de l'entreprise en immobilisation.

Inscription de la somme déduite à un compte de réserve spéciale

Le montant des déductions fiscales doivent être obligatoirement affectées à un compte de réserve spéciale (enregistrement comptable au passif du bilan). L'inscription en réserve doit intervenir au plus tard à la clôture de l'exercice suivant celui où la déduction a été effectuée. L'entreprise doit joindre à sa déclaration de résultat, un document relatif à la constitution de cette réserve, conforme au modèle présenté par l'administration (BOFiP, BOI-FORM-000040).

Instruments de musique

Conditions

Précisions

Prêt de l'instrument de musique à des artistes-interprètes

L’entreprise doit s’engager à prêter l’instrument de musique à titre gratuit aux artistes-interprètes qui en font la demande.

Publicité de l'offre de prêt

L’entreprise doit faire la publicité de cet offre de prêt auprès d'un public potentiellement concerné.

Inscription en immobilisation

L'instrument doit être enregistré en immobilisation.

Inscription dans un compte de réserve spéciale

Le montant des déductions fiscales doivent être obligatoirement affectées à un compte de réserve spéciale (passif du bilan).

Calcul de la déduction fiscale

Base de la déduction

La base de la déduction est égale au prix d'acquisition HT de l'œuvre ou de l'instrument de musique, y compris les frais accessoires éventuels et la TVA non récupérable. Les éventuelles commissions versées aux intermédiaires sont exclues de la base de la déduction (inscription en charge).

Montant de la déduction

La déduction fiscale est étalée sur 5 ans. Elle est donc égale à 1/5ème du prix de revient de l'œuvre ou de l'instrument de musique, l'année de son acquisition et les 4 années suivantes. Si l’acquisition est réalisée en cours d’année, aucun prorata temporis n'est appliqué.

Conséquences fiscales

La déduction fiscale ne donne lieue a aucun enregistrement en comptabilité. En effet, cette dépense n'est pas liée à l'objet de l'entreprise, elle est rendue déductible uniquement par une disposition expresse de la loi (article 238 bis AB du CGI).

Elle est donc pratiquée de façon extra-comptable sur la liasse fiscale :

  • pour les entreprises relevant du régime réel normal : sur le tableau n° 2058-A (ligne XG)
  • pour les entreprises relevant du régime réel simplifié : sur le tableau n° 2033-B.

Ainsi une entreprise faisant l'acquisition d'une œuvre d'art répondant aux conditions permettant de bénéficier de la déduction fiscale, pour 1.000 € HT (TVA entièrement déductible dans l'entreprise), le 30/06/N (clôture au 31/12) pourra opérer une déduction fiscale de 200 € par an entre N et N+4. Elle mentionnera ce montant dans sa liasse fiscale (ligne XG de la 2058A - déduction diverse) pour 200 € chaque année. En N, les 1.000 € devront être enregistrés en immobilisation (compte de la classe 2), et un compte de réserve spéciale devra être constitué (affectation pour 200 € chaque année, à compte de N+1).

Limitation de la déduction

Le montant des acquisitions d'œuvres ou d'instruments de musique sont pris en compte pour le calcul de la déduction fiscale dans la limite la plus élevée entre 5 ‰ du chiffre d’affaires et 20.000 €. Cette limite est en outre diminuée des versements réalisés au titre des dons (article 238 bis du CGI, donne droit à une réduction d'impôt de 60%, les dons sont également retenus dans la limite 5 ‰ du chiffre d’affaires).

La fraction du prix d’acquisition n'ayant ainsi pu être déduite au titre d’une année ne peut être reportée.

Extrait BOFiP (BOI-BIC-CHG-70-10 §230)

L’entreprise A a réalisé au cours de l’exercice N un chiffre d’affaires de 1 M€. Par ailleurs, elle a effectué au cours du même exercice des dons aux œuvres pour un montant de 4 000 € et a acquis une œuvre d’artiste vivant pour un montant de 20 000 €. La fraction du prix d'acquisition de l’œuvre est déductible au titre de l'année N dans la limite de 4 000 € (20 000 € / 5).

Au titre de l'année N, la limite globale de prise en compte des versements calculée en fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise A est de : 1 M€ x 5 ‰ = 5 000 €. Les versements effectués par l'entreprise A sont donc pris en compte dans la limite de 10 000 €, supérieure au plafond de 5 ‰ du chiffre d'affaires.

Les versements effectués au titre de l’article 238 bis du CGI étant de 4 000 €, la limite applicable aux sommes déductibles au titre de l’article 238 bis AB du CGI est de 6 000 € (10 000 € - 4 000 €). L'entreprise A pourra donc déduire la fraction du prix d'acquisition de l’œuvre en totalité au titre de l'année N, soit la somme de 4 000 € (20 000 €/5).

Au cours de l'exercice N+1, l'entreprise A a réalisé un chiffre d'affaires de 1,5 M€. Elle a effectué au cours du même exercice des dons aux œuvres pour un montant de 8 000 €.

Au titre de l'année N+1, la limite globale de prise en compte des versements calculée en fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise A est de : 1,5 M€ x 5 ‰ = 7 500 €. Les versements effectués par l'entreprise A sont donc pris en compte dans la limite de 10 000 €, supérieure au plafond de 5 ‰ du chiffre d'affaires.

Les versements effectués au titre de l’article 238 bis du CGI étant de 8 000 €, l’entreprise A ne peut déduire au titre de l’article 238 bis AB du CGI que 2 000 € (10 000 € – 8 000 €). Le montant n’ayant pu être déduit au cours de l’exercice N+1 (4 000 € - 2 000 €, soit 2 000 €) ne peut être reporté. Il est définitivement perdu.

Les sommes inscrites à la réserve spéciale sont réintégrées de façon extra-comptable en cas de changement d'affectation ou de cession de l'œuvre ou de l'instrument, ou de prélèvement sur le compte de réserve.